mercredi 23 septembre 2009

Optimisme de long terme

Dans un précédent article, j'avais essayé de montrer qu’on pouvait à peu près faire dire tout ce qu’on voulait aux chiffres et aux courbes (et aux économistes…). Néanmoins, je persiste aujourd’hui en m’attardant sur un graphique qui me paraît instructif.



Nous pouvons observer que le Dow Jones a déjà connu de sévères corrections ces dernières années. La première baisse d’envergure intervient en 1998 : l’économie mondiale connaît quelques secousses (Asie, Russie) et les marchés financiers se font une première frayeur avec la faillite du fonds LTCM qui avait « légèrement » abusé des effets de levier : un pionnier qui en inspirera beaucoup d’autres.

Néanmoins, il ne s’agit que d’un accroc dans les cours. L’arrêt de la tendance haussière n’interviendra qu’au début de l’année 2000 avec un plus haut aux alentours de 11700 points.

La fin de l’illusion Internet ouvre la voie à une grande phase de consolidation, l’indice errant entre dans une zone étroite entre 10000 et 11000 points.

Certes le 11 septembre et l’affaire ENRON le feront décrocher, mais le dégonflement de la bulle n’arrivera à épuisement qu’à la fin 2002 – début 2003 (faillite de WorldCom).

La chute est de – 35 % par rapport aux plus hauts de 2000. C’est beaucoup, mais aujourd’hui cela paraît presque ridicule, tellement nous sommes blasés face aux pertes.

La situation semble alors être redevenue saine et l’indice reconstruit doucement une tendance haussière. Les leçons du passé semble avoir été intégrées, on se méfie des mouvements trop brusques… jusqu’en 2006 ! (3 ans, c’est-à-dire une éternité pour les marchés).

A partir de cette date, on observe en effet une tentative de franchissement des plus hauts de 2000. Le mouvement est d’abord modeste, puis quand les opérateurs se rendent compte que les cours tiennent, ils passent à la vitesse supérieure.

L’accélération spéculative est impressionnante pendant un an. Les cours sortent nettement du canal de consolidation esquissé depuis 1998. On se croirait revenu dix ans en arrière.

A partir de la fin 2007, la chute n’en est que plus vertigineuse. Surtout qu’un sale vocabulaire commence à se généraliser : subprime, junk bonds

On ne reviendra pas sur l’enchaînement systémique qui s’est ensuite déroulé, l’apothéose arrivant avec la faillite de Lehman Brothers. Les cours chutent de plus de 50 % par rapport, mais dans un intervalle beaucoup plus réduit que pour la précédente bulle.

Néanmoins, même si le support vers les 7600 points est allégrement crevé par un pic de baisse particulièrement acéré, la réaction de sursaut est assez rapide suite à son franchissement.

C’est le début du rebond actuel. La remontée est impressionnante et rapide : + 50 % environ par rapport aux plus bas, ce qui laisse penser que la tendance s’inverse lourdement et que le pire est dernière nous (expression très en vogue).

Il semblerait en effet rassurant que les cours rejoignent tranquillement la zone entre 10000 et 11000. Puis qu’ils amorcent une pause afin d’éviter de rejoindre des sommets spéculatifs de manière étrangement précipitée étant donné le contexte macroéconomique incertain.

C’est sans doute le scénario le plus raisonnable, quand on se focalise sur ce graphique et la tendance à long terme. Néanmoins des voix discordantes font remarquer que cette zone « rassurante » n’est toujours pas atteinte et que les cours sont encore 30 % en-dessous de leur plus haut de 2007.

Un graphique plus resserré à moyen terme montre que la tendance est plus incertaine qu’elle n’apparaissait sur le premier graphique. Même si le rebond est avéré, il semble pour l’instant s’inscrire dans une tendance toujours baissière.



L’enjeu est aujourd’hui de savoir si ce rebond est assez puissant pour « casser » cette tendance. Le premier graphique semble nous le démontrer. Cependant, de nombreux acteurs insistent sur le caractère particulièrement artificiel de la hausse actuelle, surtout due à une abondance de liquidités. Ils rappellent que beaucoup d’éléments restent incertains concernant la consommation, le crédit, l’endettement public, mais surtout l’évolution du dollar.

Il semble donc que nous soyons à un moment particulièrement crucial pour les marchés. Soit la tendance s’éclaircit avec une hausse qui se poursuit tranquillement, soit on assiste à une nouvelle cassure et la chute ne peut qu’être pire que la précédente (une nouvelle faillite retentissante venant sans doute empirer les choses).

Je préfère pour l'instant croire à l'optimisme du long terme, car le court terme est trop cruel : il nous montre juste que l'on ne sait rien.

E.B. // Moneyzine

vendredi 19 juin 2009

La finance : une affaire de femmes ?


Vous l’avez sans doute vous aussi remarqué. On ne peut y échapper. Dans les médias, et plus particulièrement à la télévision, ce sont aujourd’hui majoritairement des femmes qui traitent des sujets financiers.

En France, les exemples ne manquent pas : Brigitte Boucher et Marie-Sophie Carpentier sur iTele, Claire Fournier qui a préféré (à mon grand désespoir) s’exiler sur France 5, Gaëtane Meslin sur BFM TV, et je suis sûr que les lecteurs francophones confirmeront le fait dans leurs pays respectifs.

Mais tout ceci n’est rien en comparaison des chaînes américaines et surtout de CNBC. Alors que Rebecca Meehan et Louisa Bojesen commencent à s’illustrer en Europe, la chaîne a fait naître de véritables stars aux Etats-Unis comme Maria Bartiromo, Erin Burnett (ci-dessous), et Becky Quick, toutes connues (et adulées) y compris dans les salles de marchés les plus miteuses du fin fond du pays.


Pourquoi les hommes en sont-ils arriver à jouer un rôle si périphérique dans la présentation des informations financières ? Plusieurs éléments de réponses peuvent être avancés :

Le bon sens sexiste résumera cette tendance au côté esthétique des présentatrices féminines. Les producteurs auraient tout simplement engagé des femmes pour rendre des données financières arides plus légères et sensuelles. Cette supposition impliquerait donc que ces femmes n’aient aucune compétence particulière à ce sujet, ou autrement dit que ce sont de belles potiches.

Pourtant, nous pouvons contredire ce scénario simpliste dans bien des cas. D’une part, toutes les présentatrices ne sont pas belles. Sans l’offenser, nous prendrons l’exemple de Silvia Wadhwa qui donne régulièrement des nouvelles du DAX (l'indice principal de la Bourse de Francfort) sur CNBC, et qui n’en est pas moins compétente. D’autre part, nous observons que la plupart de ces femmes maîtrisent parfaitement leur sujet, le cas le plus emblématique étant l’interview de Warren Buffet par une Becky Quick parfaitement dans son élément.

Une autre explication de l’hégémonie féminine sur l’information financière est que cette dernière contraste nettement avec un univers financier encore essentiellement masculin. En effet, ce sont surtout des hommes qui braillent dans les salles de marché ou sur les floors dans un climat particulièrement tendu voire agressif. Certes, les femmes s’y font peu à peu leur place, mais la tendance de fond reste lourde.

En prenant cet univers à contrepied, l’omniprésence féminine dans les médias financiers présente plusieurs avantages. Elle apporte une vision extérieure et souvent plus posée par rapport à l’agitation continue. On peut en effet imaginer que le fait d’avoir un visage féminin sur des écrans de télévision tournant en continu apporte en quelque sorte une once de sérénité dans un monde de brutes, agissant ainsi comme une sorte d’anxiolytique médiatique.

Mais ce n’est pas tout, cette omniprésence des femmes répond non seulement à une demande mais aussi à une évolution du profil des investisseurs, notamment particuliers. Alors qu’à une époque, la bonhommie d’un René Tendron ou d’un Jean-Pierre Gaillard rassurait l’épargnant, ces derniers apparaîtraient aujourd’hui comme trop « pépères », à l’image des placements de bon père de famille. Non, aujourd’hui l’investisseur averti est en quête de performance. Il n’hésite pas à s’aventurer sur des produits dynamiques : CFD, Turbos, Forex… et attend des informations financières une grande réactivité, sans toutefois sombrer dans l’hystérie. Le dynamisme tempéré de la plupart des présentatrices financières semble particulièrement adapté à ces attentes, ce qui semble également expliquer leur succès.

Ainsi, une femme qui parle de finance dans les médias présente l’avantage d’incarner à la fois la douceur de la mère qui rassure et calme l’investisseur, et la tentation de la séductrice qui lui donne envie de prendre certains risques plus ou moins mesurés. En résumé, elles semblent donc être le reflet idéal du perpétuel dilemme qui ronge continuellement l’univers, encore bien masculin, des marchés financiers.

E.B. // Moneyzine

vendredi 29 mai 2009

Le vocabulaire financier est votre ami

Utiliser les mots de la finance peut vous aider à vous sortir de situations délicates. Voici quelques idées pour parfaire votre langage "financièrement correct" :

Ne dites plus : « Je suis très dépensier »
Dites : « Je privilégie la relance par la consommation »

Ne dites plus : « Je lis tous les jours mon horoscope »
Dites : « J’anticipe la sortie de crise pour l’année prochaine »

Ne dites plus : « Je suis surendetté »
Dites : « J’envisage une émission obligataire »

Ne dites plus : « Je n’ai pas été augmenté cette année »
Dites : « Je crois qu'il est plus sain que je renonce à mon bonus »

Ne dites plus : « Je vais divorcer »
Dites : « J’envisage de futurs arbitrages »

Ne dites plus : « Mon banquier est un escroc »
Dites : « Le secteur bancaire connaît une grave crise systémique »

Ne dites plus : « J’ai gagné au loto »
Dites : « L'évolution de mon cash-flow s’avère largement supérieur aux attentes »

Ne dites plus : « Je me suis débarrassé de toutes tes vieilles affaires pourries »
Dites : « J’ai fait appel à une structure de défaisance »

Ne dites plus : « J’ai besoin d’un emprunt »
Dites : « J’envisage d’accroître mon ratio Tiers one »

Ne dites plus : « Je trompe mon conjoint »
Dites : « J’opère de gré à gré »

Maintenant c'est à vous de jouer...

E.B. // Moneyzine

lundi 11 mai 2009

Les vendeurs sont-ils en embuscade ?

C’est le rebond, le rally, bref la hausse. Pourtant, je ne connais que de futurs vendeurs en puissance ! Ai-je vraiment de saines fréquentations ?

J’adore observer les phases d’euphorie boursière. Toute mauvaise nouvelle est aussitôt désintégrée, toute bombe immédiatement désamorcée. Les statistiques sont horribles, mais pas de problème puisqu’elles sont supérieures aux attentes. A croire que tous les analystes sont d’irrémédiables pessimistes grincheux qui se sont tous égarés sur le mauvais chemin de la récession.

Donc, tout monte. Les actions, les obligations, le pétrole, le cuivre, le soja et même l’or, comme si des flots d’argent se déversaient de nouveau sur les marchés en quête désespérée d’actifs bon marché.

Il est intéressant de noter que cette rapide inversion de tendance arrive juste au moment où plus personne n’a vraiment intérêt à ce que la baisse continue. Même les hedge funds, dont la stratégie est censée être décorrelée des marchés, jouent de moins en moins les ours (animal représentant les vendeurs qui se délectent de tout effondrement des cours). Peut-être ce nouvel intérêt pour la hausse est-il à mettre en rapport avec les montagnes d’actifs horriblement peu valorisés qu’ils leur restent encore sur les bras. S’il n’existe pas de porte de sortie, pourquoi ne pas en fabriquer une ?

C’est également ce que j’observe sur un plan plus personnel. Ainsi, je ne compte plus dans mon entourage les vendeurs potentiels attendant secrètement le bon moment, même si eux ne peuvent pas fabriquer de porte.

En effet, les particuliers que je conseille ne me cachent pas le dégoût qu’ils ont développé envers les marchés financiers suite à la dévalorisation conséquente de leur portefeuille. Beaucoup me demandent juste de les prévenir quand les cours auront suffisamment remonté pour qu’ils rentrent dans leur frais. Leur intention étant bien sûr de tout liquider et de revenir à des supports d’épargne plus sérieux, et surtout plus doux pour leurs nerfs. J’avoue moi-même les encourager inconsciemment dans cette voie, en les mettant en garde de ne pas replonger dans de vaines illusions quand les premiers profits seront de retour dans leur portefeuille.

Certes, ces petits actionnaires ne représentent rien, mais leur comportement paraît tout à fait logique dans une optique à moyen terme. Le plus intéressant est de savoir si beaucoup de « gros » partagent les mêmes arrières pensées.

Comme on l’a dit, beaucoup de fonds cherchent une bonne fenêtre de tir pour liquider certains actifs, et on peut facilement imaginer les conséquences désastreuses sur les cours quand le moment paraîtra opportun (surtout que ce désengagement ira sans aucun doute de pair avec la réactivation de stratégies baissières agressives). Quel sera alors la réaction des investisseurs plus institutionnels ? La Chine, par exemple, détient aux alentours de 100 milliards de dollars en actions américaines. En cas de retournement de tendance, sera-t-elle prêt à faire le dos rond longtemps ? Ou se comportera-t-elle en investisseur réactif au risque de précipiter la baisse ?

Si l’avenir ne reste que doutes et suppositions, le présent nous montre à l’inverse que tout le monde a intérêt aujourd’hui à ce que les marchés se reprennent car… tout le monde a intérêt à vendre plus haut pour gommer les vilaines pertes de l’année dernière. Bref, chaque investisseur semble positionné en embuscade prêt à devenir un vendeur sanguinaire le moment venu.

Première conséquence : Les marchés actions ne seraient donc pas si sous-évalués. Ils le paraissent aujourd’hui car la plupart des valeurs sont encore horriblement basses pour ceux qui les détiennent. Ces derniers en ont aujourd’hui marre de faire le dos rond. Certains retrouvent donc l’énergie de se redresser, de prendre leur revanche, ce qui leur fait voir le potentiel de leurs actions plus gros qu’il ne l’est.

Deuxième conséquence : La reprise des marchés et l’optimiste volontariste sont donc des mythes ! Il est illusoire de penser que des tendances structurellement lourdes peuvent faire un virage à 180 degrés d’un mois à l’autre. Les marchés entretiennent seulement l’idée de reprise (avec l’aide des médias) parce que la hausse profite pour l’instant au plus grand nombre (et surtout aux initiés), ou plutôt parce que la baisse ne rapporte plus.

Troisième et terrible conséquence : Si la hausse actuelle n’est qu’un phénomène artificiellement entretenu pour donner l’occasion future à certains malins de sortir de la mauvaise passe de l’année dernière, les marchés risquent de s’effondrer dramatiquement quand les vendeurs sortiront et dévoileront leurs réelles intentions. Ceux qui auront naïvement cru au miracle actuel de la reprise marchés se feront alors dévorer sauvagement ! Se faire avoir une fois est humain, la deuxième fois permet juste de distinguer le sage de l’imbécile qui n’a rien appris de ses erreurs passées.

E.B. // Moneyzine

lundi 4 mai 2009

Yuppie ! La fête est finie

Les mots changent mais les idées restent. Dans les années 1980, le mot yuppie fleurissait dans tous les médias comme l’archétype de la réussite sociale. Un yuppie (contraction de Young Urban Professional) était en quelque sorte la version anglophone du « beau, jeune, riche et en bonne santé ».

Le yuppie travaillait le plus souvent à Wall Street et était parfois aussi appelé « Golden Boy ». A l’époque, je me souviens avoir lu un article qui disait que certains d’entre eux gagnaient parfois plus de 100 000 francs français par mois (l’équivalent de 15 000 euros aujourd’hui, sans compter l’inflation). Certes, de nos jours, un tel revenu est sans doute digne d’un loser et permet à peine de s’acheter une montre correcte, mais j’avoue que cela m’avait alors impressionné.

Tout allait bien pour eux tant que les marchés boursiers montaient, et puis tout à coup la situation s’est mise à déraper. Le krach d’octobre 1987 (qui apparaît ridicule aujourd’hui) commence alors à pointer du doigt certaines dérives du système financier. L’image du « golden boy » se ternit peu à peu pour devenir celle d’un jeune con peu scrupuleux prêt à vendre père et mère pour toucher son bonus.

Hasard du calendrier ou pas, en décembre de la même année sort le film « Wall Street » d’Oliver Stone. Le personnage de Gordon Gekko tue alors définitivement l’image du sympathique yuppie. Michael Douglas incarne le cynisme à l’état pur : Gordon négocie plus d’un milliard de dollars avant même son premier petit déjeuner, et se fout comme de sa première culotte des conséquences que ces transactions peuvent avoir sur l’économie « réelle » ou sur la vie des gens.

Un pas était franchi. Le yuppie n’était plus notre ami, et il n’était même plus l’ami de l’économie. C’était devenu un requin déconnecté de la réalité, vivant dans un aquarium obscur et prêt à bouffer tout cru n’importe quelle société battant un peu de l’aile. Pour ne rien arranger, Bret Easton Ellis en rajouta une couche en imaginant Patrick Bateman. Non content d’être un voleur, le yuppie devenait serial killer !

Un rêve s’écroulait et le mot yuppie tomba peu à peu en désuétude. La bourse perdit un peu de sa superbe médiatique dans les années 1990, mais elle revint en force à l’aube des années 2000. Les marchés devenaient fous, des fortunes immenses se constituaient ou disparaissaient.

Une nouvelle appellation commença alors à devenir à la mode, nous découvrions le monde des traders. Avec l’explosion des systèmes informatiques et d’Internet, le trader passait son temps devant des écrans clignotants. Il tapotait sur des boutons, personne ne comprenait vraiment à quoi cela servait, mais tout le monde savait que cela rapportait un maximum d’argent.

Certes, il y avait quelques accidents. En 1995, cela s’était mal passé pour Nick Leeson qui en spéculant avait mis par terre une respectable banque anglaise. Mais finalement rien de très sérieux (860 millions de livres sterling perdues soit à peine de quoi attirer l’attention aujourd’hui quand l’unité courante est devenue le millier de milliards…).

Heureusement, Ewan McGregor avait sauvé la mise en rendant le personnage presque sympathique dans le film « Rogue Trader » (sorti sans le qualificatif « rogue » en France, comme si un trader était forcément une fripouille). Les traders pouvaient donc se vautrer sans complexe dans la bulle Internet naissante, sans susciter trop d’émois.

Malheureusement, quand une bulle explose, les événements prennent une dimension morale. Le commun des mortels sous-payé se dit qu’il y a une justice, et l’opinion recommença à pointer certaines dérives. Mais à vrai dire cela avait peu d’importance.

En effet, avec la flambée des hedge funds, peu importait la direction de la bourse. Un seul mot d’ordre : spéculer. Dans ce cas, la baisse n’a jamais été un problème, elle devient juste un prétexte pour mettre en place une gestion alternative.

Je ne sais pas si c’est à partir de là, mais progressivement tout s’est mis à partir dans tous les sens. N’importe quel tactique est apparue viable tant qu’elle générait du profit : trafic de comptabilité, analyses complaisantes, excès d’effet de levier, produits financiers exotiques censés dilués le risque…

Et krach… mais cette fois-ci les répercussions semblent beaucoup plus sérieuses. Des gens se retrouvent dehors et/ou au chômage, de « vraies » industries commencent à fermer leur porte, des économies « réelles » découvrent la récession.

Face à tel cataclysme, on comprend bien que l’opinion publique ait besoin d’un coupable, et quoi de mieux que cet univers de la finance : opaque, mystérieux voire mythologique. Un monde fait de dieux, de héros plus ou moins sacrifiés, un miroir des comportements les plus vils et où toute morale apparaît bien relative.

Le trader est en passe de devenir le symbole du vol, de la corruption, de la cupidité et du mensonge (liste non exhaustive). On le traque, il doit parfois se déguiser, son nom est devenu une insulte, bref c’est la honte. A l’instar d’une idole qu’on a plaisir à enflammer, le trader est condamné à endosser la responsabilité des échecs de l’humanité.

L’argent a la troublante faculté de générer l’admiration, l’envie, la jalousie et la haine. L’image du trader ne fait qu’évoluer au gré de ces sentiments humains. Quand tout ira mieux, tel le phœnix, il renaîtra encore plus flamboyant… mais peut-être encore sous un autre nom !

E.B. // Moneyzine

lundi 27 avril 2009

Au secours, l'or est à la mode !

La mode n’est souvent pas une très bonne alliée en matière d’investissement. Tous ceux qui ont vécu la bulle internet s’en souviennent. Peu avant son explosion en 2001, les valeurs technologiques étaient au pic de leur popularité : tout le monde en parlait, les médias étaient friands de reportages sur les start-up, sur les miracles économiques qui se réalisaient grâce à Internet.

Mais, pour les initiés, c’était déjà trop tard. Ces derniers se doutaient bien que ces valeurs se payaient déjà beaucoup trop chères. Seulement quand tous les médias s’extasient, la pression est bien grande pour les particuliers de céder aux sirènes de la mode, en espérant des rendements stratosphériques. Cette folie passagère nous a au moins appris le nouvel adage : « Quand votre concierge commence à vous demander des conseils sur des actions, vendez tout et vite ! ».

Pour autant, cette bulle nous a-t-elle réellement servie de leçon ? A partir de 2003, c’était déjà reparti. Les actions se sont mises à voler jusqu’au ciel, même si cette fois-ci beaucoup de petits investisseurs sont restés hors du coup, sans doute calmés par la descente aux enfers encore récente de leur portefeuille.

A croire, comme je le disais dans un article précédent, que la bulle est devenue le mode standard d’évolution des marchés. Comment expliquer un tel phénomène, si ce n’est par une généralisation et une banalisation de la spéculation sur des marchés de plus en plus accessibles (Forex ou matières premières, par exemple, auparavant strictement réservés aux professionnels avertis).

Cette fois-ci, la mode semble se porter sur une matière un brin vieillotte : l’or. En effet, dans l’imaginaire encore récent, posséder de l’or renvoyait à des périodes de guerre ou de forte inflation : c’était un truc de vieux. On pensait à son grand-père qui cachait des napoléons en cas de coups durs, ou à René Tendron qui nous donnait les cours du lingot au journal de 13 heures dans les années 1980.

Et puis, magie de la mode, tout s’inverse. Investir en or deviendrait tout simplement incontournable voire indispensable. Pas une semaine, sans que la presse ou la télévision aborde le sujet. Le nap’ (petit nom donné au vieux napoléon poussiéreux) n’est plus ringard, et offrir des pièces devient de meilleur goût (quand elles ne décorent pas des œufs en chocolat…).

Certes, l’atmosphère de crise redonne des couleurs au métal jaune. Certains investisseurs tombent en effet dans le pessimisme et s’imaginent déjà payer leur achat en or, seul actif qui vaudra à l’avenir encore quelque chose. Ainsi, l’or brille beaucoup mieux en période de peur : peur d’une crise longue et durable, de la faillite des banques, d’un retour de l’hyperinflation, de la dégradation boursière et immobilière, etc.

La tendance poussant l’or à la hausse tend à s’expliquer facilement face au climat actuel, surtout depuis septembre 2007, date à laquelle les marchés actions ont commencé à faiblir puis à s’effondrer (effet miroir sur la courbe entre la courbe de l’or et celui du S&P 500 à partir de cette date). Cependant, comme on le voit aussi, la tendance haussière sur l’or est beaucoup plus ancienne et durable.


Le marché de l’or commence en effet à s’agiter vers 2002, puis il connaît une poussée de fièvre fin 2005 / début 2006, alors même que les indices boursiers (par exemple, le S&P 500 ci-dessus) poursuivent également leur progression.

Ainsi l’or et les actions vont connaître une période de hausse simultanée, ce qui peut paraître étrange. La question est de savoir ce qui s’est passé pendant ces deux années entre fin 2005 et fin 2007 pour que rien n’infléchisse la tendance haussière de l’or.

Si l’on regarde les principaux facteurs tendant à influencer le prix de l’or, l’inflation était très modérée, la confiance plutôt bonne et il n’y a pas eu d’achats significatifs de la part des banques centrales pour mettre en réserve le métal précieux. Qu’est-il donc arrivé, alors que l’on ne parlait pas encore d’or à la télé, pour expliquer cette hausse ?

Premier élément de réponse : la faiblesse du dollar. C’est justement à la fin 2005 que le dollar commence à décrocher par rapport aux autres devises. Nous pouvons observer sur la courbe ci-dessous, un bel effet miroir, du moins jusqu’à août 2007, entre le cours de l’or qui évolue à peu près parfaitement en sens contraire de celui du dollar. Quand la monnaie de référence perd de la valeur, il est en effet logique de se tourner vers des actifs plus sûrs.

Deuxième élément de réponse : A cette période, qui a intérêt à acheter de l’or ?

- D’une part, les investisseurs qui commencent à douter des marchés actions, qui voient une prochaine bulle arriver notamment du côté de l’immobilier : ce qui ne devait pas représenter beaucoup de personnes quand on voit le nombre d’initiés qui se sont fait piéger par l’effondrement boursier.

Néanmoins, à la fin 2005, les matières premières commencent à devenir populaires. Elles représentent de nouvelles opportunités spéculatives mais également un bon support de diversification. Ce n’est pas un hasard si c’est exactement à la même époque que commencent également à décoller des produits comme le cuivre, le nickel ou bien encore le blé. L’effet de mode peut débuter, et comme toutes les modes, elle ne concerne au départ qu’une élite. Il faudra attendre la crise récente pour qu’elle se propage plus facilement au sein de la masse.

- D’autre part, tous ceux qui avaient intérêt à se débarrasser de leurs dollars dont la valeur fondait au soleil, bref tous ceux qui à force de vendre des produits aux Etats-Unis, se sont retrouvés avec des montagnes de monnaie verte.

On peut donc imaginer que certains Etats se soient mis à acheter de l’or par sécurité ou par souci de diversification. Si l’intérêt de la Chine est en théorie de soutenir le dollar et la consommation américaine, on peut s’interroger sur la stratégie plus ou moins discrète de certains autres pays, notamment pétroliers, sans doute moins scrupuleux.

Ainsi, en observant les prémices de la tendance haussière sur l’or, nous pouvons affirmer que celle-ci est particulièrement solide. Ainsi, la bulle en formation a toutes les chances d’être énorme. A-t-elle déjà donné tout son potentiel ? On peut encore en douter et il serait donc trop bête de ne pas en profiter. Tout l’enjeu réside dans le fait de savoir quand il faudra se retirer au risque de tout perdre. C’est bien sûr plus facile à imaginer qu’à faire quand on commence à se sentir grisé : un art tout aussi délicat que l’est le coït interrompu dans un tout autre domaine.

E.B. // Moneyzine

mercredi 15 avril 2009

Trois bulles ou un krach ?

Beaucoup d’analystes et d’investisseurs s’affolent en ce moment. Serait-ce la reprise tant espérée ? Les indices boursiers reprennent des couleurs, la volatilité se calme et chaque mauvaise nouvelle commence à être relativisée et se révèle finalement moins pire que prévue. Tout le monde le dit, 2009 va être une sale année, mais la reprise sera là en 2010. Comme les bourses ont tendance à anticiper les tendances, certains estiment alors qu’il est temps de se replacer sur le marché.

Ainsi, les commentaires se multiplient concernant « la sortie de crise » : expression particulièrement à la mode dans les médias. Pourtant, cet excès d’optimisme me semble largement démesuré, voire même très naïf. Tels des enfants qui ne peuvent plus attendre avant de se remettre à jouer, les investisseurs semblent se jeter sur le moindre espoir dans le but de le transformer en rebond durable.

Mais pourquoi me direz-vous être toujours éternellement pessimiste ? Imaginons un instant que tout le troupeau ait raison et que nous nous dirigions vers une hausse des marchés. Dans ce cas, cela pourrait encore être pire avec la formation d’une troisième bulle qui pourrait s’avérer largement plus dangereuse que les deux précédentes.

En effet, si l’on se penche sur l’historique des marchés boursiers (par exemple le S&P 500), on peut isoler trois phases différentes dans leur évolution après la seconde guerre mondiale.



Première phase : Jusque dans les années 1980, le marché reste atone. Les hausses sont assez vite corrigées et la tendance de fond reste assez stable durant environ 30 ans !

Deuxième phase : A partir du début des années 1980, le marché connaît une phase haussière solide qui va s’étaler sur le long terme. La bourse devient un eldorado et les autres actifs perdent leur intérêt. Cette situation inédite fait alors dire à beaucoup d’analystes que la bourse est toujours gagnante sur le long terme, et que c’est sans aucun doute le placement le plus rentable. En effet, même si l’évolution des cours connaît quelques décrochages ponctuels (comme celui de 1987), la tendance haussière reprend vite le dessus au bout de quelques mois.

Troisième phase : A partir du milieu des années 1990, la phase de hausse se poursuit mais elle connaît une brutale accélération. La hausse devient exponentielle et rien ne semble l’arrêter. C’est le début de la phase de bulles. La première éclate peu en 2000 et donne lieu à une correction de près de 50%. La deuxième éclate en 2008 et engendre une baisse à peu près similaire jusqu’à maintenant.



Ainsi, nous nous retrouvons actuellement à un moment charnière où il est particulièrement difficile de prévoir la nouvelle tendance de fond.

Premier scénario : une troisième bulle. Avec les différents plans de relance mis en place par les gouvernements l’activité semble repartir. Une partie des Américains se remet à épargner, les banques consolident leurs bilans. L’espoir renaît et c’est reparti pour quelques années de hausse. Néanmoins, s’il elle se forme, la prochaine bulle devrait être sensiblement moins longue.

Nous commençons en effet à utiliser nos dernières cartouches pour dynamiser la croissance économique, mais les problèmes de fond restent non résolus : les déséquilibres nord/sud, l’endettement colossal des économies occidentales, la valeur relative du dollar, l’épuisement des matières premières sur lesquelles reposent nos industries.

Alors que les deux premières bulles avaient mis environ 5 ans à se former, la troisième atteindrait sans doute plus vite sa maturité car les Etats sont enfermés dans un cycle infernal d’endettement qui ne pourra être facilement ralenti, si ce n’est par une forte inflation qui mettrait à mal le dollar. Dans ce cas, la principale inconnue subsiste : qu’y aura-t-il après le dollar ? De toute manière, si la bulle boursière est artificiellement entretenue par des pressions inflationnistes, son éclatement sera d’autant plus dramatique. Bref, plus longue sera la montée, plus elle sera au final douloureuse.

Deuxième scénario : un krach. Que vaut-il mieux ? Une mort rapide ou une mort lente emplie d’espoirs meurtris et de souffrances ? Le krach, s’il est terrible, est un moment de transition particulièrement court et violent. S’il est générateur de dégâts ponctuels, sa fonction destructrice permettrait néanmoins de faire émerger un système économique plus sain : la catastrophe nécessite qu’on s’attaque réellement aux problèmes de fond. La fuite n’est plus possible.

Bien sûr, ce scénario fait encore plus peur que le premier car l’inconnue est totale, notamment sur le plan politique et social. Néanmoins, un tel basculement peut sans doute aussi s’avérer moins destructeur que ce que pourrait engendrer l’actuelle myopie des marchés. Ce n’est pas en évinçant les problèmes que ces derniers seront réglés. D’un tel aveuglement ne peut que germer la prochaine crise qui devrait sans nul doute s’avérer alors beaucoup plus dramatique.

E.B. // Moneyzine

mercredi 8 avril 2009

L'histoire fabuleuse des deux pays dominant le monde

Il était une fois deux grands et beaux pays. L’un était très riche, ses habitants roulaient dans de grosses voitures et habitaient dans de grandes maisons. L’autre était pauvre et très peuplé. Ses habitants n’avaient pas de voiture et à peine une maison.

Tout allait bien pour le premier pays, mais ses habitants n’étaient jamais contents. Il leur fallait toujours plus de richesses et de produits. Ainsi, les deux pays trouvèrent un arrangement.

Le deuxième pays allait produire des marchandises à très bas prix pour le premier pays. Cela permettrait à l’un de se moderniser et de donner des emplois à ses habitants, à l’autre de continuer à vivre dans la profusion.

Certes, cet arrangement froissait un peu les convictions du deuxième pays, mais c’était le prix à payer pour redonner de la fierté à son peuple et pour que ses dirigeants restent au pouvoir.

Le premier pays acheta donc de nombreuses marchandises au deuxième en les payant avec sa monnaie qui était verte. Le deuxième pays eut donc un gros tas de monnaie verte. Il ne savait trop quoi faire de cet argent.

A force de dépenser, le premier pays vida peu à peu ses caisses. Quand l’argent vint à manquer, il se tourna donc vers les autres pays pour emprunter de l’argent. Comme le deuxième pays avait son gros tas vert inutile, il prêta sans problème au premier. D’autant, que si ce premier arrêtait de dépenser, c’était l’économie du deuxième qui risquait de souffrir, et son peuple qui risquait de protester.

Pour continuer ainsi à emprunter sans limites, le premier pays fit croire qu’il avait plein de richesses : des maisons, des immeubles, des entreprises dont la valeur augmentait sans cesse avec les années. Le monde pouvait ainsi continuer à prêter au premier pays qui, à travers son patrimoine, présentait des garanties importantes. Les habitants du premier pays dépensèrent donc sans limites.

Cependant, un jour, quelques personnes du premier pays n’arrivèrent plus à rembourser. Certes, ils n’étaient pas très nombreux, mais ce fut un choc. Les prêteurs décidèrent donc de se rembourser avec le patrimoine des mauvais payeurs, seulement ils se rendirent compte que celui-ci ne valait pas le prix qu’ils espéraient. Ainsi, le doute s’installa, et le patrimoine du premier pays tout entier perdit beaucoup de valeur.

Les banques du premier pays qui avaient poussé les habitants à s’endetter plus que de raison se sentirent mal. On se rendit compte qu’elle possédait beaucoup moins que ce qu’on pensait. Ainsi, en quelques mois, une partie de la richesse du monde partit en fumée, mais en fait elle n’avait réellement jamais vraiment existée.

Le deuxième pays commença à avoir peur. Le premier pays allait moins consommer et peut-être allait-il avoir du mal à rembourser sa dette. Pourtant, il fallait bien que le deuxième pays récupère son argent gagné à la sueur de ses ouvriers.

Cependant, comme le premier pays était très puissant, il donna de nouvelles garanties. Son gouvernement promit de dépenser beaucoup d’argent pour sauver les banques et les entreprises, et pour que les gens continuent à consommer. Le deuxième pays fut rassuré mais il se demanda tout de même d’où venait tout cet argent.

En enquêtant, il se rendit compte que le gouvernement du premier pays n’avait pas cet argent, et donc qu’il s’endettait encore plus. Mais, le deuxième pays avait-il le choix de refuser de prêter ? Il était piégé car sa subsistance dépendait encore de la santé du premier pays.

Seulement, la dette du premier pays devint tellement énorme que le monde tout entier ne pouvait prêter assez. Ainsi, le premier pays décida qu’il devait racheter lui-même une partie de sa propre dette avec de la monnaie verte supplémentaire qu’il pouvait fabriquer.

La monnaie verte se répandit donc un peu partout, de gros tas se formant chez les pays qui vendaient des choses au premier pays. Mais surtout, le premier pays était tellement gourmand que tous les prêteurs se tournaient vers lui. Seulement, il y avait de moins en moins d’argent pour le reste et surtout pour les entreprises et les habitants du monde entier qui ne faisaient pas le poids face au gouvernement très puissant du premier pays.

Pour ne rien arranger, comme cette solution semblait fonctionner pour le premier pays, d’autres pays qui connaissaient des problèmes similaires se mirent à l’imiter, et beaucoup devinrent très endettés.

Finalement, comme l’argent convergeait vers les gouvernements, ce sont eux qui se mirent à diriger l’économie et à décider des secteurs à aider, des entreprises à acheter voire même du salaire des patrons des sociétés privées à l’intérieur de leur pays.

Seulement, les gouvernement commencèrent à apprécier le pouvoir qu’ils avaient acquis. Peu importe, si certains s’endettaient plus que de raison. Ils pourraient toujours rembourser dans une monnaie qui ne vaudrait plus rien à l’avenir tellement elle serait abondante.

Le deuxième pays fut lui un peu plus embêté. Il n’avait rien à rembourser et surtout il se rendit compte que son gros tas de monnaie verte ne vaudrait bientôt plus grand-chose. Il lui fallait trouver des choses à acheter mais qui avaient une vraie valeur, ce qui devenait de plus en plus rare. Mais surtout, pour survivre il devait encore et encore continuer à prêter au premier pays, à moins de trouver de nouveaux candidats à l’endettement et à la consommation forcenée, ce qui ne devrait pas être trop difficile.

Moralité : Quand le faible passe un accord avec le fort, il est destiné à progresser mais à rester dominé. Quand le fort passe un accord avec le faible, il est destiné à régresser mais il montre aussi qu’il est prêt à tout pour garder sa supériorité. Ainsi, un jour où l’autre, l’ancien fort et l’ancien faible seront forcément destinés à se détester.

E.B. // Moneyzine

jeudi 26 mars 2009

La crise, enfin !

Ça y est ! Nous sommes enfin rentrés dans la crise. Il en aura fallu du temps pour ne voir que des pauvres ou de futurs pauvres à la télévision. C’était tout de même bizarre, le mot crise était dans l’air du temps, mais les gens semblaient rester sereins.

C’est bien connu : tant qu’une chose ne passe pas dans les médias, elle n’existe pas. Certes la crise était tout de même effleurée. Des chiffres à 12 zéros nous provenaient des Etats-Unis, des secteurs économiques commençaient à pleurer auprès des gouvernements, des indices boursier chutaient de 10% dans la journée… Mais tout ceci restait bien lointain, irréel pour le consommateur de médias moyen. Dans la vie quotidienne, rien ne changeait réellement sinon qu’on était plus circonspect envers le discours de son banquier.

Cette frivolité dans le traitement de la crise me semblait même trop étrange pour être honnête. J’y ait même vu à un moment une machination pour pousser les gens à ne pas paniquer et surtout pour les inciter à maintenir leur consommation. Les analystes économiques ou politiques que l’on pouvait entendre ou lire étaient en effet à peu près tous optimistes. Ils pointaient du doigt la finance surtout américaine, tout en relativisant les impacts de ces turbulences sur l’économie réelle.

Puis, tout à coup, sans même vraiment avoir le temps de s’en apercevoir nous y sommes. La crise est devenue le fil rouge de l’actualité, la matrice de la plupart des sujets traités. La télé réalité de la pauvreté et de la déchéance sociale peut commencer : fermetures d’usines, plans sociaux, grèves, explosion du chômage, fins de mois difficiles, petits boulots, surendettement, vie chère… Les médias ont enfin trouvé un os à ranger, et la population a maintenant l’impression que l’on court à la catastrophe.

Tant que la crise n’était pas génératrice d’images misérabilistes (difficile de s’apitoyer sur un banquier), les gens s’en moquaient alors que n’importe quel initié (j’exclus ici les fameux « analystes » télévisuels) savaient que la situation était catastrophique. Maintenant les gens ont peur, alors même que les initiés, peut-être par lassitude, commencent à relativiser et à se projeter à nouveau dans l’avenir. Certes, il y a encore des Cassandres qui prédisent le pire, mais certains en ont tout simplement marre d’être négatifs. La noirceur de leur état d’esprit commence à leur gâcher la vie et à compromettre leur avenir.

Ainsi, on recommence à parler de rebond sur les marchés, même si certains rigolent à cette simple idée. Obama nous explique que l’Amérique ressortira plus forte de cette crise. Quoi de plus optimiste qu’un « Yes, we can » ? Cependant la population commence à douter. Elle commence tout simplement à avoir peur en observant tous les mois les chiffres du chômage, en regardant avec stupeur des « reportages » sur des familles à la dérive.

Il y a donc un très net découplage entre les effets de la crise et leur perception par l’opinion publique. Les médias sont pendant longtemps restés à la traîne parce qu’ils attendaient des retombées concrètes. Maintenant que celles-ci se multiplient, ils se jettent avidement sur ce sujet. Quand ils se calmeront et lâcheront ce thème à la mode, la crise aura-t-elle réellement pris fin ? Peut-être que ce nouveau vide médiatique sera au contraire annonciateur d’un prochain gouffre qui ne sera révélé au monde que le jour où il passera bien à la télé.

E.B. // Moneyzine

jeudi 19 février 2009

Des dividendes qui divisent

Comme en chaque début d’année, s'ouvre la saison des résultats annuels des grandes entreprises. Bien entendu, ces chiffres portent sur l’exercice de l’année précédente : en ce début de l’année 2009, ce sont donc les performances sur 2008 qui sont publiées.

En ces temps économiques troublés, des chiffres anormalement élevés apparaîtraient douteux voire moralement condamnables. Et cette fois-ci les détracteurs du capitalisme ne sont pas déçus : record du monde des profits pour ExxonMobil avec 45 milliards de dollars de bénéfice en 2008 (soit à peu près le PIB annuel de la Slovénie)… Mais les entreprises françaises ne sont pas en reste : 14 milliards d'euros pour Total (PIB annuel de la Côte d’Ivoire) ou encore Société Générale avec 2 milliards d’euros (seulement le PIB annuel de la Mauritanie)…

Ainsi, des voix commencent à s’élever et à pointer du doigt ces profiteurs qui eux ne connaîtraient pas la crise. De beaux discours, souvent teintés de démagogie, demandent une redistribution contrainte des bénéfices aux employés ou à la collectivité publique plutôt qu’aux actionnaires ! Certains politiciens voudraient s’immiscer dans la vie des entreprises pour décider de l’allocation de ces profits selon une règle des trois tiers (un pour les investissements, un pour les employés, un pour les actionnaires) sans réelle justification autre que de feindre un certain penchant pour la justice sociale.

Si les bénéfices sont hauts, les dividendes versés aux actionnaires en 2009 ont toutes les chances de connaître aussi des niveaux records. Seulement, avec un indice boursier parisien qui a perdu 43 % de sa valeur, ces bons chiffres n’apporteront qu’une maigre consolation aux investisseurs dont le patrimoine a fondu quasiment de moitié.

En stigmatisant les actionnaires (qui prennent des risques en investissant leur argent), les entreprises (qui sont sources de richesses, d’emplois et accessoirement de rentrées fiscales), les détracteurs du profit jouent un jeu bien dangereux : pour un soi-disant mieux-être social, il condamnerait le bien-être économique, comme si celui-ci pouvait être appréhendé indépendamment du socle social duquel il dépend.

Mais surtout, ces personnes semblent hélas méconnaître les décalages souvent observés entre les résultats et la production. Il était unanimement prévu que 2008 soit une année record en terme de bénéfices pour les sociétés du CAC 40 (les trois premiers trimestres ayant été plutôt bons). Certes, il peut paraître étrange d'annoncer de telles sommes en pleine crise. Mais à l’inverse, les chiffres des années à venir risquent d’être assez mauvais. Les dividendes versés en 2009 ou 2010 devraient alors être très inférieurs, alors même que l'activité sera peut-être en train de repartir !

Ainsi, il apparaît toujours dangereux d’introduire une notion morale pour analyser des mécanismes économiques. Mais certains hommes politiques sautent aujourd’hui sur cette trop belle occasion pour tenter d’accroître leurs prérogatives et pour s’auréoler d’une image plus « sociale ».

Seulement, c’est en interférant avec la sphère économique que les hommes politiques sont souvent le plus dangereux. On l’a observé aux Etats-Unis avec la garantie implicite de l’Etat sur des prêts subprime qui n’auraient pas été octroyés dans un marché non-biaisé par la puissance publique, étant donné que les banques n’auraient jamais pris le risque de prêter à des personnes non solvables.

Mais certains décideurs politiques ne sont pas à une contradiction près. La France a récemment décidé d’accorder des crédits à ces deux principales entreprises automobiles. Je rappelle que ces constructeurs ne sont pas comme aux Etats-Unis menacés d’une éventuelle faillite. Si PSA a accusé une perte modeste en 2008 (343 millions d’euros), Renault a annoncé un bénéfice de 599 millions d’euros sur la même période.

Dans une économie de marché, quand une entreprise connaît un certain ralentissement, qui est mis à contribution pour tenter de relever la situation en adaptant les investissements et les stratégies commerciales ? Les actionnaires qui vont voir leur dividende diminuer, d’une part parce que l’activité est moins bonne, d’autre part parce que l’entreprise a besoin de fonds pour réagir.

Pourtant, en France, l’Etat décide d’abord d’un plan de relance automobile, financé en gageant les recettes des contribuables. Puis, dans un second temps, il s’inquiète des dividendes reversés aux actionnaires et fait pression sur l’entreprise pour qu’elle y renonce. Ainsi, non content de s’immiscer dans les décisions qui relève normalement du seul conseil d’administration, l’Etat veut également décider des choix stratégiques à la place de l’entreprise en imposant un arrêt des licenciements et des délocalisations. Même l’économiste Bernard Maris, clairement positionné à gauche, s’insurge sur ce rôle de l’Etat imposant aux entreprises de jouer un rôle de sécurité sociale à la place des organismes publics concernés (notamment le fameux Pôle Emploi ).

En conclusion, on peut donc observer que dès lors que l’Etat vient perturber une sphère économique basée sur des interrelations complexes, son intervention induit des effets pervers peu maîtrisables. En voulant se substituer à des acteurs mobilisés par les lois du marché, l’Etat crée des exceptions entraînant des réactions en chaîne (garanties illégitimes, redistribution forcée au profit d’un secteur, déresponsabilisation des décideurs, chasses aux subventions, condamnation de la finance et du profit… ). Ainsi, en voulant donner à l’opinion l’impression d’agir, les politiciens ne font souvent que préparer les nouveaux problèmes auxquels ils seront confrontés demain.

E.B. // Moneyzine

mercredi 28 janvier 2009

En quête de réalité (reynd en islandais)

Les Islandais ont tout perdu. Riches comme pauvres, ils ont fichu leur gouvernement dehors et ils ne leur restent plus maintenant qu'à se soûler dans les bars en attendant la fin de l'hiver (très long et sombre dans ce pays) et l'arrivée de jours meilleurs. Pourtant, certains ont essayer d'y échapper en tentant de transformer leur tas de couronnes (la monnaie locale) en "actifs réels" : le seul fournisseur de Rolex a été pris d'assaut afin de sauver ce qui pouvait encore l'être.

Ne nous moquons pas, car un tel scénario pourrait nous concerner d'ici quelques années si la seule réponse apportée à la crise actuelle consiste en un surendettement de nos gouvernements. Déjà, le Royaume-Uni frissonne (un courant froid venu d'Islande ?). Les Pigs et l'Irlande voient leur note de crédit se dégrader, en attendant une possible chute de l'euro...

Ainsi, non par pure anticipation, mais surtout par méfiance, interrogeons-nous sur quelques-uns de ces "actifs réels" que l'on peut déjà acquérir pour éviter de faire la queue chez son joaillier le jour venu.

- Les métaux précieux : valeur refuge assez classique. Vous pouvez privilégiés ceux utilisés à des fins industriels (Palladium, Argent, Platine...) mais leur cours restent assez dépendants de la demande mondiale, ce qui reste dangereux en cas de gros ralentissement. Personnellement, je préfère l'or qui n'a d'autre usage que la thésaurisation. Sa valeur étant purement mentale, il risque de révéler tout son potentiel en cas de crise majeure. Les pièces cotées sont sans doute plus facile à revendre que les bijoux, mais bien sûr vous avez aussi les lingots. Comme on n'est jamais trop prudent, en cas de grosses sommes, préférez un stockage dans un pays neutre et/ou peu endetté. Évitez si possible de tout stocker dans un coffre de votre banque, car vous serez alors bien malin en cas de faillite généralisée du système bancaire.

- Les objets de collection : monnaies rares, montres suisses, bijoux, antiquités, tableaux de maîtres... il y en a pour tous les budgets. Ces objets ont l'avantage de faire l'objet d'une côte relativement stable. Attention cependant aux effets de mode et à la formation de bulles (notamment pour certains artistes). Ainsi, il s'agit sans doute d'un placement plus risqué que le premier, mais vous pouvez jouir au quotidien des biens acquis, ce qui apporte une sorte plus-value mentale. Bref, dans le cadre d'une diversification de vos actifs, faites-vous plaisir si vous le pouvez.

- L'immobilier : vous vous dites que je suis fou de parler de ce marché dans un contexte d'éclatement de bulle comme nous le vivons. Et bien, il y a peut-être quelques miettes à ramasser. Certes, cela paraît encore un peu précipité. A moins que vous soyez un négociateur féroce capable de casser les prix, il vous faudra encore attendre quelques années. S'il faut éviter, les marchés qui sont clairement tombés à cause d'une surproduction (Espagne), un bien immobilier représente l'avantage d'être bien réel quand il est acquis à son juste prix, surtout dans l'optique de l'habiter soi-même. Ne pas être mis dehors ou ne plus pouvoir payer un loyer devenu indécent, voilà des problématiques bien réelles. A défaut de vous rapporter de l'argent, cet investissement vous apportera au moins un toit. Si vous empruntez, attendez que la baisse des taux soit répercutées par les banques. Avec un peu de chance, en signant un taux fixe, vous bénéficierez d'un probable retour de l'inflation (nécessaire à terme pour alléger le surendettement des Etats) qui diminuera le coût des intérêts.

- Le reste : vous pouvez oublier les actions, les obligations, les devises étrangères, les certificats sur matières premières (en effet, le blé ou le riz vont certainement monter, mais il n'est pas très pratique d'en acquérir physiquement). Tout ceci n'est que virtuel et condamné à s'évaporer en cas de gros traumatisme. Si vous ne me croyez pas, parlez-en aux Islandais !

E.B. // Moneyzine

mercredi 21 janvier 2009

Le côté positif de la dette

Certains de mes lecteurs s'inquiètent pour moi. Ils trouvent mes derniers articles particulièrement négatifs, voire déprimants. Sans doute ont-ils raison, et suis-je gagné par une sorte de dépression hivernale que j'espère courte. Mais, au-delà de ce rapide diagnostic, je tiens à les rassurer sur ma santé mentale. Certes, je fais actuellement partie de ceux qui voient le verre à moitié voire aux trois-quarts vide, mais afficher un optimisme de façade me paraît plutôt tenir de la charlatanerie économique dans ce contexte tourmenté. Les mêmes analystes qui n'avaient rien vu venir, sont à peu près les mêmes qui voient aujourd'hui l'avenir auréolé de rose (entre les deux, ils en ont également souvent profité pour vendre des livres très avertis sur leur vision de la crise).

Pour ne pas trop sombrer dans de noires visions, je vais m'efforcer dans les prochains mois d'adopter une attitude plus positive, histoire de me débarrasser des araignées qui commencent à s'agglutiner au plafond de Moneyzine.

Mes derniers diagnostics inquiétants avaient comme argumentation principale la démesure qu'avait tendance à prendre l'endettement dans le but de relancer la machine économique. Certains m'ont fait remarquer, à raison, que ma vision était un peu trop dogmatique à ce sujet, bref que j'oubliais de mentionner le côté positif de la dette.

Pour leur rendre justice, et pour équilibrer mon propos, j'admets ainsi la très grande fonction économique de l'endettement, qui permet de se libérer du présent, d'envisager un avenir différent, et peut-être meilleur. Affirmons-le : "Sans dette, pas de progrès !". Que ce soit pour devenir propriétaire, assurer le besoin en fonds de roulement d'une entreprise, augmenter la rentabilité financière d'une société (effet de levier), permettre à un pays des transformations structurelles, bref pour assurer le développement économique... la dette est vitale.

Soit ! Mais à vrai dire, je n'ai jamais totalement renié cette évidence. Ce que je m'efforçais de dénoncer était plutôt le recours systématique et massif à un endettement global devenu endémique dans un système mondialisé. Qu'il soit privé ou public, cet endettement massif compromet à mon avis des mutations mondiales nécessaires. En maintenant artificiellement en vie à coup de déficits abyssaux leur hégémonie économique, certains pays continuent à vivre leur rêve, mais compromettent sérieusement l'avenir des autres. Bref, à force de se projeter brutalement dans l'avenir, on finit par le détruire !

Prenons l'exmple classique d'une personne surendettée. Au début tout va bien. Elle profite, accumule les crédits mais vit dans la profusion. Certes, il y a bien un sentiment de malaise qui monte mais elle remet ça à plus tard (la génération suivante ?). Puis, au bout d'un moment la machine se grippe, les créanciers ne sont plus aussi généreux et certains même commencent à exiger d'être régulièrement remboursés. Le piège se referme : non seulement cet ancien consommateur heureux ne peut plus rien acheter (se projeter dans l'avenir), mais il ne profite même plus du présent tellement sa situation devient difficilement supportable.

Si cette histoire ressemble donc étrangement à une version contemporaine de La Cigale et La Fourmi, ce n'est pas pour vanter l'épargne, ni pour condamner la dette, ni même pour être négatif mais simplement pour rappeler que toute satisfaction facile et immédiate entraîne irrémédiablement un certain sacrifice pour l'avenir. C'est que ce que Jean de La Fontaine appelait une morale. Mais suis-je bête, j'oubliais que l'économie (ou le capitalisme) était étrangère à toute morale (on me le répète pourtant assez souvent). Dans ce cas, je suis rassuré, inutile de s'efforcer à être positif, s'il ne peut finalement rien y avoir de mauvais dans l'économie.

E.B. // Moneyzine

lundi 19 janvier 2009

De la dette comme seule perspective politique

Les gouvernements semblent avoir trouvé l'arme fatale pour mettre fin à la crise : les fameux plans de relance. En résumé, il faut substituer aux mécanismes de production et de consommation privés en panne une dépense publique "boostée" aux déficits. La nouvelle amérique "obamienne" va ainsi assumer des déficits budgétaires annuels qui seront tous supérieurs au trillion de dollar (soit des chiffres à 12 zéros). En Europe, la barrière symbolique "maastrichtienne" des 3% de déficit public annuel a explosé dès les premières secousses financières. Il est maintenant de bon ton de laisser filer son déficit à 4, 5 ou 6% de son PIB sous peine de se faire avoir par ses anciens partenaires/concurrents européens dans le tragique jeu de la relance.

Si ces actions, toutes plus ou moins désespérées, risquent d'apaiser la douleur pendant quelques mois, voire quelques années, elles ne règlent finalement rien au problème. Il s'agit simplement d'une fuite en avant, d'un dernier baroud d'honneur désespéré pour tenter de sauver un capitalisme bien malade que les gouvernements ne font en fait que condamner par acharnement thérapeutique. Ce système économique n'a pas su se renouveler, inventer des voitures propres, innover dans la recherche énergétique, il a été incapable d'anticiper sa perte car aveuglé par la recherche d'une rentabilité immédiate. Ce capitalisme attend en effet la catastrophe pour réagir, non pas en se transformant, mais en quémandant auprès de l'Etat, c'est-à-dire en sollicitant la collectivité qu'il n'accepte ordinairement que comme une masse consommatrice sur laquelle cultiver les bénéfices.

Seulement à force de se faire plumer, cette masse se retrouve à bout. Elle s'endette mais rien n'y fait. Ainsi, c'est maintenant aux budgets publics de prendre le relais en gageant d'hypothétiques rentrées fiscales dues par une population qui n'a pas d'autres alternatives que d'y croire.

Il est très effrayant de penser que tout cela ne mène à rien. Les Etats grillent leur dernière cartouche. Si cela ne marche pas, il faudra alors en venir aux balles réelles d'ici quelques années, car l'impuissance politique sera alors totale.

Mais Obama, Brown, Sarkozy, Merkel... ont-ils vraiment le choix ? J'espère pour eux qu'ils y croient un minimum sous peine de sombrer dans un cynisme morbide. L'action est le prix du pouvoir, même si elle se fait aux dépens de tous, que ce soit en dictature ou en démocratie. Il est impossible pour un homme politique d'expliquer qu'il ne peut rien faire, de se distinguer, d'innover puisque sa marge de manoeuvre se résume à agir là où il est attendu. Un psychopathe tue un enfant, il faut prendre des mesures... Un aéroport est bloqué par la neige, que fait le gouvernement... Le système financier mondial s'écroule, renflouons-le pour éviter qu'on vienne nous le reprocher.

Dans cette logique, la gestion de la chose publique ne peut mener qu'à une sorte d'irresponsabilité générale et à un endettement perpétuel sans avenir. L'homme politique devient alors un professionnel électoral destiné à une seule chose : agir en réagissant perpétuellement aux événements et surtout en dépensant des ressources inexistantes, mais néanmoins indispensables à sa réélection. Sa légitimation en tant que sauveur du court-terme en dépend, mais elle masque insidieusement son autre visage, celui de fossoyeur du long-terme. L'action politique en ces temps de crise : une belle illusion devenant la matrice de toutes les futures désillusions.

E.B. // Moneyzine

jeudi 8 janvier 2009

Sortir de la crise, mais pour aller où ?

C’est la crise, enfin on serait en droit d’en douter tellement les médias font tout pour nous redonner le moral : Pas vraiment une vraie récession, pas vraiment de risque de faillite, non vraiment pas grand-chose…

Qu’a-t-on mis en œuvre pour faire disparaître les peurs aussi rapidement (du moins d’ici mi-2009) ? Des plans de relance, de l’injection de liquidités, de l’argent gratuit, bref tout pour que « le show se poursuive », que les économies occidentales continuent à consommer et à spéculer, comme elles le faisaient avant de se faire très peur il y a quelques mois (quand les épargnants ont commencé à douter des banques, les gouvernements assurant alors la garantie des dépôts, comme si les Etats déjà surendettés pouvait garantir quoi que ce soit en cas de retrait massif des liquidités).

Mais tout ceci n’est pas logique, du moins pas très viable à terme. Loin d’être un anticapitaliste, je me souviens que, déjà très jeune, je doutais de la capacité de ce système à générer de la richesse éternellement. En cours d’économie, j’apprenais alors les principes du fordisme dans lequel l’ouvrier (le producteur) est censé disposer d’un pouvoir d’achat lui permettant d’être consommateur de sa propre production. Un peu comme un chat s’amuse à poursuivre sa queue, l’accumulation de richesses dans un système capitaliste est alimentée par une logique « auto-alimentatrice » supposée sans fin.

Le problème est qu’aujourd’hui l’individu consomme de moins en moins ce qu’il produit. Il préfère acheter à faible prix des marchandises fabriquées dans d’autres pays et distribuées à bas coût par ses propres compatriotes. Seulement, n’ayant plus d’argent par le biais de sa propre production, il doit en obtenir par d’autres voies.

C’est là qu’interviennent les fonctions tertiaires : il ne lui reste plus qu’à vendre ses services à d’autres personnes ou à des entreprises qui les factureront très cher à d’autres personnes. Se développe alors tout un système intermédiaire lié à la finance, au droit, à la recherche, au commerce… qui cherche également à s’autoalimenter pour générer sa propre croissance.

La consommation peut donc continuer grâce à cette nouvelle dynamique. Néanmoins, le consommateur cherchant à acheter moins cher, il met alors la pression sur ce monde des services, en oubliant parfois que c’est de ce nouveau secteur qu’il tire l’essentiel de ses revenus.

Il y a en effet un autre souci : notre consommateur est également devenu un investisseur. Il a acheté des actions de toutes ces grandes sociétés et entend bien en retirer un confortable dividende. Or, tout ce qu’il obtient par ce biais (les revenus du capital), lui est en quelque sorte soustrait de ses revenus du travail, ou du travail de son voisin, ou de celui de la caissière du supermarché du coin, bref de sa communauté.

S’il est égoïste, il ne pensera qu’à son intérêt et verra alors cela comme une redistribution. Sauf qu’en réalité, il a seulement l’illusion d’être un investisseur (avec sa poignée actions), alors qu’il est simplement un acteur microscopique du marché, et surtout qu’il reste avant tout un être dépendant de son travail.

La véritable distribution ne s’effectue en réalité qu’au bénéfice d’une toute petite minorité, possédant des milliers d’actions. Ainsi, à force de se prendre lui-même pour un gestionnaire financier (alors qu’il n’est qu’un petit capitaliste virtuel), l’individu d’aujourd’hui oublie qu’en mettant la pression sur ses concitoyens (c’est-à-dire en privilégiant ses intérêts de consommateur et d’investisseur), il ne fait que se tirer une balle dans le pied puisque ses revenus proviennent en majorité des fruits de son travail (il tend alors à minimiser son intérêt de travailleur), et que son bonheur provient en grande partie du bien-être de sa communauté (il occulte son intérêt collectif car son intérêt individuel lui paraît immédiatement plus gratifiant).

Ainsi, cette logique économique serait destinée à sombrer prochainement car elle aurait comme conséquence logique un appauvrissement généralisé de la masse des individus, une destruction des communautés et un écroulement du système économique suite à l’effondrement ultime de la consommation.

Or, c’est oublier un peu vite l’arme absolue de nos économies occidentales : le crédit. Emprunter, que ce soit pour un individu ou pour un Etat, permet à ce système de survivre. Le consommateur maintient son niveau de vie (en dépensant l’argent qu’il n’a pas), les gouvernements maintiennent l’illusion d’une prospérité croissante à l’infini.

Il est alors assez facile pour nos économies occidentales de sortir de la crise, de se maintenir artificiellement au-dessus du lot : il suffit de continuer à contrôler les circuits monétaires et à s’endetter plus que de raison. Notre impression d’être légitimement riche est donc aisément maintenue (par un refoulement de notre passif ?), alors que ce sentiment est en grande partie basé sur une tragique injustice mondiale, c’est-à-dire le refus d’un rééquilibrage des richesses au niveau mondial qui induirait une chose inimaginable et surtout politique intenable pour nos économies occidentales : accepter l’idée de notre propre déclin.

Nous ne produisons quasiment plus rien, à part quelques services de plus en plus virtuels alimentés par le propre reflet de notre consommation (qui représenterait 70 % de la richesse aux Etats-Unis). Nous mettons la pression sur les producteurs et les fournisseurs pour toujours bénéficier des prix les plus bas sans se rendre compte que c’est notre propre production que nous sacrifions, que ce sont nos enfants que nous condamnons à un salaire minimal toute leur vie.

L’idée merveilleuse qui voudrait que tout aille toujours mieux meurt à petit feu. Ce n’est pas en éditant de l’argent sans fin, ni en maintenant en surchauffe l’endettement des Etats et des ménages qu’on se construit un avenir. La vérité est que nous sommes beaucoup plus riches que nous devrions l’être au détriment d’une autre partie du monde, qui commence à se rendre compte qu’elle est spoliée depuis bien trop longtemps.

La crise que nous vivons va s’en doute s’estomper prochainement. Mais d’une certaine manière une ambiance de crise risque de s’installer durablement dans notre quotidien économique. Le monde est dans un équilibre instable et la fuite en avant des acteurs économiques est obligatoire s’ils ne veulent pas que tout s’écroule. Les crises représentent seulement l’un des symptômes du déséquilibre, mais elles vont être amenées à se multiplier, à durer et à se durcir, car le point de rupture est proche.

La crise actuelle ? Une rigolade : on injecte quelques trillions de dollars et tout est réglé. Les médias se lasseront vite et la société aussi (sous peine d’une dépression généralisée).

On peut sans peine imaginer que se voiler la face ne fera que préparer le terrain pour quelque chose de plus terrible, d’inimaginable, qui nous dépasse complètement. Sommes-nous en train de creuser la tombe de notre système économique, de nos croyances et de nos espérances ? Que restera-t-il pour nous sauver ? La foi ? La raison ? La haine ? Peu importe, tels des enfants doués d’une éternelle candeur, nous préférons croire au Père Noël, et continuons à jouer avec des choses que nous ne méritons pas. Reste à savoir quel sera leur véritable prix quand le destin nous présentera l’addition.

E.B. // Moneyzine