lundi 27 avril 2009

Au secours, l'or est à la mode !

La mode n’est souvent pas une très bonne alliée en matière d’investissement. Tous ceux qui ont vécu la bulle internet s’en souviennent. Peu avant son explosion en 2001, les valeurs technologiques étaient au pic de leur popularité : tout le monde en parlait, les médias étaient friands de reportages sur les start-up, sur les miracles économiques qui se réalisaient grâce à Internet.

Mais, pour les initiés, c’était déjà trop tard. Ces derniers se doutaient bien que ces valeurs se payaient déjà beaucoup trop chères. Seulement quand tous les médias s’extasient, la pression est bien grande pour les particuliers de céder aux sirènes de la mode, en espérant des rendements stratosphériques. Cette folie passagère nous a au moins appris le nouvel adage : « Quand votre concierge commence à vous demander des conseils sur des actions, vendez tout et vite ! ».

Pour autant, cette bulle nous a-t-elle réellement servie de leçon ? A partir de 2003, c’était déjà reparti. Les actions se sont mises à voler jusqu’au ciel, même si cette fois-ci beaucoup de petits investisseurs sont restés hors du coup, sans doute calmés par la descente aux enfers encore récente de leur portefeuille.

A croire, comme je le disais dans un article précédent, que la bulle est devenue le mode standard d’évolution des marchés. Comment expliquer un tel phénomène, si ce n’est par une généralisation et une banalisation de la spéculation sur des marchés de plus en plus accessibles (Forex ou matières premières, par exemple, auparavant strictement réservés aux professionnels avertis).

Cette fois-ci, la mode semble se porter sur une matière un brin vieillotte : l’or. En effet, dans l’imaginaire encore récent, posséder de l’or renvoyait à des périodes de guerre ou de forte inflation : c’était un truc de vieux. On pensait à son grand-père qui cachait des napoléons en cas de coups durs, ou à René Tendron qui nous donnait les cours du lingot au journal de 13 heures dans les années 1980.

Et puis, magie de la mode, tout s’inverse. Investir en or deviendrait tout simplement incontournable voire indispensable. Pas une semaine, sans que la presse ou la télévision aborde le sujet. Le nap’ (petit nom donné au vieux napoléon poussiéreux) n’est plus ringard, et offrir des pièces devient de meilleur goût (quand elles ne décorent pas des œufs en chocolat…).

Certes, l’atmosphère de crise redonne des couleurs au métal jaune. Certains investisseurs tombent en effet dans le pessimisme et s’imaginent déjà payer leur achat en or, seul actif qui vaudra à l’avenir encore quelque chose. Ainsi, l’or brille beaucoup mieux en période de peur : peur d’une crise longue et durable, de la faillite des banques, d’un retour de l’hyperinflation, de la dégradation boursière et immobilière, etc.

La tendance poussant l’or à la hausse tend à s’expliquer facilement face au climat actuel, surtout depuis septembre 2007, date à laquelle les marchés actions ont commencé à faiblir puis à s’effondrer (effet miroir sur la courbe entre la courbe de l’or et celui du S&P 500 à partir de cette date). Cependant, comme on le voit aussi, la tendance haussière sur l’or est beaucoup plus ancienne et durable.


Le marché de l’or commence en effet à s’agiter vers 2002, puis il connaît une poussée de fièvre fin 2005 / début 2006, alors même que les indices boursiers (par exemple, le S&P 500 ci-dessus) poursuivent également leur progression.

Ainsi l’or et les actions vont connaître une période de hausse simultanée, ce qui peut paraître étrange. La question est de savoir ce qui s’est passé pendant ces deux années entre fin 2005 et fin 2007 pour que rien n’infléchisse la tendance haussière de l’or.

Si l’on regarde les principaux facteurs tendant à influencer le prix de l’or, l’inflation était très modérée, la confiance plutôt bonne et il n’y a pas eu d’achats significatifs de la part des banques centrales pour mettre en réserve le métal précieux. Qu’est-il donc arrivé, alors que l’on ne parlait pas encore d’or à la télé, pour expliquer cette hausse ?

Premier élément de réponse : la faiblesse du dollar. C’est justement à la fin 2005 que le dollar commence à décrocher par rapport aux autres devises. Nous pouvons observer sur la courbe ci-dessous, un bel effet miroir, du moins jusqu’à août 2007, entre le cours de l’or qui évolue à peu près parfaitement en sens contraire de celui du dollar. Quand la monnaie de référence perd de la valeur, il est en effet logique de se tourner vers des actifs plus sûrs.

Deuxième élément de réponse : A cette période, qui a intérêt à acheter de l’or ?

- D’une part, les investisseurs qui commencent à douter des marchés actions, qui voient une prochaine bulle arriver notamment du côté de l’immobilier : ce qui ne devait pas représenter beaucoup de personnes quand on voit le nombre d’initiés qui se sont fait piéger par l’effondrement boursier.

Néanmoins, à la fin 2005, les matières premières commencent à devenir populaires. Elles représentent de nouvelles opportunités spéculatives mais également un bon support de diversification. Ce n’est pas un hasard si c’est exactement à la même époque que commencent également à décoller des produits comme le cuivre, le nickel ou bien encore le blé. L’effet de mode peut débuter, et comme toutes les modes, elle ne concerne au départ qu’une élite. Il faudra attendre la crise récente pour qu’elle se propage plus facilement au sein de la masse.

- D’autre part, tous ceux qui avaient intérêt à se débarrasser de leurs dollars dont la valeur fondait au soleil, bref tous ceux qui à force de vendre des produits aux Etats-Unis, se sont retrouvés avec des montagnes de monnaie verte.

On peut donc imaginer que certains Etats se soient mis à acheter de l’or par sécurité ou par souci de diversification. Si l’intérêt de la Chine est en théorie de soutenir le dollar et la consommation américaine, on peut s’interroger sur la stratégie plus ou moins discrète de certains autres pays, notamment pétroliers, sans doute moins scrupuleux.

Ainsi, en observant les prémices de la tendance haussière sur l’or, nous pouvons affirmer que celle-ci est particulièrement solide. Ainsi, la bulle en formation a toutes les chances d’être énorme. A-t-elle déjà donné tout son potentiel ? On peut encore en douter et il serait donc trop bête de ne pas en profiter. Tout l’enjeu réside dans le fait de savoir quand il faudra se retirer au risque de tout perdre. C’est bien sûr plus facile à imaginer qu’à faire quand on commence à se sentir grisé : un art tout aussi délicat que l’est le coït interrompu dans un tout autre domaine.

E.B. // Moneyzine

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