mercredi 15 avril 2009

Trois bulles ou un krach ?

Beaucoup d’analystes et d’investisseurs s’affolent en ce moment. Serait-ce la reprise tant espérée ? Les indices boursiers reprennent des couleurs, la volatilité se calme et chaque mauvaise nouvelle commence à être relativisée et se révèle finalement moins pire que prévue. Tout le monde le dit, 2009 va être une sale année, mais la reprise sera là en 2010. Comme les bourses ont tendance à anticiper les tendances, certains estiment alors qu’il est temps de se replacer sur le marché.

Ainsi, les commentaires se multiplient concernant « la sortie de crise » : expression particulièrement à la mode dans les médias. Pourtant, cet excès d’optimisme me semble largement démesuré, voire même très naïf. Tels des enfants qui ne peuvent plus attendre avant de se remettre à jouer, les investisseurs semblent se jeter sur le moindre espoir dans le but de le transformer en rebond durable.

Mais pourquoi me direz-vous être toujours éternellement pessimiste ? Imaginons un instant que tout le troupeau ait raison et que nous nous dirigions vers une hausse des marchés. Dans ce cas, cela pourrait encore être pire avec la formation d’une troisième bulle qui pourrait s’avérer largement plus dangereuse que les deux précédentes.

En effet, si l’on se penche sur l’historique des marchés boursiers (par exemple le S&P 500), on peut isoler trois phases différentes dans leur évolution après la seconde guerre mondiale.



Première phase : Jusque dans les années 1980, le marché reste atone. Les hausses sont assez vite corrigées et la tendance de fond reste assez stable durant environ 30 ans !

Deuxième phase : A partir du début des années 1980, le marché connaît une phase haussière solide qui va s’étaler sur le long terme. La bourse devient un eldorado et les autres actifs perdent leur intérêt. Cette situation inédite fait alors dire à beaucoup d’analystes que la bourse est toujours gagnante sur le long terme, et que c’est sans aucun doute le placement le plus rentable. En effet, même si l’évolution des cours connaît quelques décrochages ponctuels (comme celui de 1987), la tendance haussière reprend vite le dessus au bout de quelques mois.

Troisième phase : A partir du milieu des années 1990, la phase de hausse se poursuit mais elle connaît une brutale accélération. La hausse devient exponentielle et rien ne semble l’arrêter. C’est le début de la phase de bulles. La première éclate peu en 2000 et donne lieu à une correction de près de 50%. La deuxième éclate en 2008 et engendre une baisse à peu près similaire jusqu’à maintenant.



Ainsi, nous nous retrouvons actuellement à un moment charnière où il est particulièrement difficile de prévoir la nouvelle tendance de fond.

Premier scénario : une troisième bulle. Avec les différents plans de relance mis en place par les gouvernements l’activité semble repartir. Une partie des Américains se remet à épargner, les banques consolident leurs bilans. L’espoir renaît et c’est reparti pour quelques années de hausse. Néanmoins, s’il elle se forme, la prochaine bulle devrait être sensiblement moins longue.

Nous commençons en effet à utiliser nos dernières cartouches pour dynamiser la croissance économique, mais les problèmes de fond restent non résolus : les déséquilibres nord/sud, l’endettement colossal des économies occidentales, la valeur relative du dollar, l’épuisement des matières premières sur lesquelles reposent nos industries.

Alors que les deux premières bulles avaient mis environ 5 ans à se former, la troisième atteindrait sans doute plus vite sa maturité car les Etats sont enfermés dans un cycle infernal d’endettement qui ne pourra être facilement ralenti, si ce n’est par une forte inflation qui mettrait à mal le dollar. Dans ce cas, la principale inconnue subsiste : qu’y aura-t-il après le dollar ? De toute manière, si la bulle boursière est artificiellement entretenue par des pressions inflationnistes, son éclatement sera d’autant plus dramatique. Bref, plus longue sera la montée, plus elle sera au final douloureuse.

Deuxième scénario : un krach. Que vaut-il mieux ? Une mort rapide ou une mort lente emplie d’espoirs meurtris et de souffrances ? Le krach, s’il est terrible, est un moment de transition particulièrement court et violent. S’il est générateur de dégâts ponctuels, sa fonction destructrice permettrait néanmoins de faire émerger un système économique plus sain : la catastrophe nécessite qu’on s’attaque réellement aux problèmes de fond. La fuite n’est plus possible.

Bien sûr, ce scénario fait encore plus peur que le premier car l’inconnue est totale, notamment sur le plan politique et social. Néanmoins, un tel basculement peut sans doute aussi s’avérer moins destructeur que ce que pourrait engendrer l’actuelle myopie des marchés. Ce n’est pas en évinçant les problèmes que ces derniers seront réglés. D’un tel aveuglement ne peut que germer la prochaine crise qui devrait sans nul doute s’avérer alors beaucoup plus dramatique.

E.B. // Moneyzine

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