vendredi 19 juin 2009

La finance : une affaire de femmes ?


Vous l’avez sans doute vous aussi remarqué. On ne peut y échapper. Dans les médias, et plus particulièrement à la télévision, ce sont aujourd’hui majoritairement des femmes qui traitent des sujets financiers.

En France, les exemples ne manquent pas : Brigitte Boucher et Marie-Sophie Carpentier sur iTele, Claire Fournier qui a préféré (à mon grand désespoir) s’exiler sur France 5, Gaëtane Meslin sur BFM TV, et je suis sûr que les lecteurs francophones confirmeront le fait dans leurs pays respectifs.

Mais tout ceci n’est rien en comparaison des chaînes américaines et surtout de CNBC. Alors que Rebecca Meehan et Louisa Bojesen commencent à s’illustrer en Europe, la chaîne a fait naître de véritables stars aux Etats-Unis comme Maria Bartiromo, Erin Burnett (ci-dessous), et Becky Quick, toutes connues (et adulées) y compris dans les salles de marchés les plus miteuses du fin fond du pays.


Pourquoi les hommes en sont-ils arriver à jouer un rôle si périphérique dans la présentation des informations financières ? Plusieurs éléments de réponses peuvent être avancés :

Le bon sens sexiste résumera cette tendance au côté esthétique des présentatrices féminines. Les producteurs auraient tout simplement engagé des femmes pour rendre des données financières arides plus légères et sensuelles. Cette supposition impliquerait donc que ces femmes n’aient aucune compétence particulière à ce sujet, ou autrement dit que ce sont de belles potiches.

Pourtant, nous pouvons contredire ce scénario simpliste dans bien des cas. D’une part, toutes les présentatrices ne sont pas belles. Sans l’offenser, nous prendrons l’exemple de Silvia Wadhwa qui donne régulièrement des nouvelles du DAX (l'indice principal de la Bourse de Francfort) sur CNBC, et qui n’en est pas moins compétente. D’autre part, nous observons que la plupart de ces femmes maîtrisent parfaitement leur sujet, le cas le plus emblématique étant l’interview de Warren Buffet par une Becky Quick parfaitement dans son élément.

Une autre explication de l’hégémonie féminine sur l’information financière est que cette dernière contraste nettement avec un univers financier encore essentiellement masculin. En effet, ce sont surtout des hommes qui braillent dans les salles de marché ou sur les floors dans un climat particulièrement tendu voire agressif. Certes, les femmes s’y font peu à peu leur place, mais la tendance de fond reste lourde.

En prenant cet univers à contrepied, l’omniprésence féminine dans les médias financiers présente plusieurs avantages. Elle apporte une vision extérieure et souvent plus posée par rapport à l’agitation continue. On peut en effet imaginer que le fait d’avoir un visage féminin sur des écrans de télévision tournant en continu apporte en quelque sorte une once de sérénité dans un monde de brutes, agissant ainsi comme une sorte d’anxiolytique médiatique.

Mais ce n’est pas tout, cette omniprésence des femmes répond non seulement à une demande mais aussi à une évolution du profil des investisseurs, notamment particuliers. Alors qu’à une époque, la bonhommie d’un René Tendron ou d’un Jean-Pierre Gaillard rassurait l’épargnant, ces derniers apparaîtraient aujourd’hui comme trop « pépères », à l’image des placements de bon père de famille. Non, aujourd’hui l’investisseur averti est en quête de performance. Il n’hésite pas à s’aventurer sur des produits dynamiques : CFD, Turbos, Forex… et attend des informations financières une grande réactivité, sans toutefois sombrer dans l’hystérie. Le dynamisme tempéré de la plupart des présentatrices financières semble particulièrement adapté à ces attentes, ce qui semble également expliquer leur succès.

Ainsi, une femme qui parle de finance dans les médias présente l’avantage d’incarner à la fois la douceur de la mère qui rassure et calme l’investisseur, et la tentation de la séductrice qui lui donne envie de prendre certains risques plus ou moins mesurés. En résumé, elles semblent donc être le reflet idéal du perpétuel dilemme qui ronge continuellement l’univers, encore bien masculin, des marchés financiers.

E.B. // Moneyzine