mercredi 23 septembre 2009

Optimisme de long terme

Dans un précédent article, j'avais essayé de montrer qu’on pouvait à peu près faire dire tout ce qu’on voulait aux chiffres et aux courbes (et aux économistes…). Néanmoins, je persiste aujourd’hui en m’attardant sur un graphique qui me paraît instructif.



Nous pouvons observer que le Dow Jones a déjà connu de sévères corrections ces dernières années. La première baisse d’envergure intervient en 1998 : l’économie mondiale connaît quelques secousses (Asie, Russie) et les marchés financiers se font une première frayeur avec la faillite du fonds LTCM qui avait « légèrement » abusé des effets de levier : un pionnier qui en inspirera beaucoup d’autres.

Néanmoins, il ne s’agit que d’un accroc dans les cours. L’arrêt de la tendance haussière n’interviendra qu’au début de l’année 2000 avec un plus haut aux alentours de 11700 points.

La fin de l’illusion Internet ouvre la voie à une grande phase de consolidation, l’indice errant entre dans une zone étroite entre 10000 et 11000 points.

Certes le 11 septembre et l’affaire ENRON le feront décrocher, mais le dégonflement de la bulle n’arrivera à épuisement qu’à la fin 2002 – début 2003 (faillite de WorldCom).

La chute est de – 35 % par rapport aux plus hauts de 2000. C’est beaucoup, mais aujourd’hui cela paraît presque ridicule, tellement nous sommes blasés face aux pertes.

La situation semble alors être redevenue saine et l’indice reconstruit doucement une tendance haussière. Les leçons du passé semble avoir été intégrées, on se méfie des mouvements trop brusques… jusqu’en 2006 ! (3 ans, c’est-à-dire une éternité pour les marchés).

A partir de cette date, on observe en effet une tentative de franchissement des plus hauts de 2000. Le mouvement est d’abord modeste, puis quand les opérateurs se rendent compte que les cours tiennent, ils passent à la vitesse supérieure.

L’accélération spéculative est impressionnante pendant un an. Les cours sortent nettement du canal de consolidation esquissé depuis 1998. On se croirait revenu dix ans en arrière.

A partir de la fin 2007, la chute n’en est que plus vertigineuse. Surtout qu’un sale vocabulaire commence à se généraliser : subprime, junk bonds

On ne reviendra pas sur l’enchaînement systémique qui s’est ensuite déroulé, l’apothéose arrivant avec la faillite de Lehman Brothers. Les cours chutent de plus de 50 % par rapport, mais dans un intervalle beaucoup plus réduit que pour la précédente bulle.

Néanmoins, même si le support vers les 7600 points est allégrement crevé par un pic de baisse particulièrement acéré, la réaction de sursaut est assez rapide suite à son franchissement.

C’est le début du rebond actuel. La remontée est impressionnante et rapide : + 50 % environ par rapport aux plus bas, ce qui laisse penser que la tendance s’inverse lourdement et que le pire est dernière nous (expression très en vogue).

Il semblerait en effet rassurant que les cours rejoignent tranquillement la zone entre 10000 et 11000. Puis qu’ils amorcent une pause afin d’éviter de rejoindre des sommets spéculatifs de manière étrangement précipitée étant donné le contexte macroéconomique incertain.

C’est sans doute le scénario le plus raisonnable, quand on se focalise sur ce graphique et la tendance à long terme. Néanmoins des voix discordantes font remarquer que cette zone « rassurante » n’est toujours pas atteinte et que les cours sont encore 30 % en-dessous de leur plus haut de 2007.

Un graphique plus resserré à moyen terme montre que la tendance est plus incertaine qu’elle n’apparaissait sur le premier graphique. Même si le rebond est avéré, il semble pour l’instant s’inscrire dans une tendance toujours baissière.



L’enjeu est aujourd’hui de savoir si ce rebond est assez puissant pour « casser » cette tendance. Le premier graphique semble nous le démontrer. Cependant, de nombreux acteurs insistent sur le caractère particulièrement artificiel de la hausse actuelle, surtout due à une abondance de liquidités. Ils rappellent que beaucoup d’éléments restent incertains concernant la consommation, le crédit, l’endettement public, mais surtout l’évolution du dollar.

Il semble donc que nous soyons à un moment particulièrement crucial pour les marchés. Soit la tendance s’éclaircit avec une hausse qui se poursuit tranquillement, soit on assiste à une nouvelle cassure et la chute ne peut qu’être pire que la précédente (une nouvelle faillite retentissante venant sans doute empirer les choses).

Je préfère pour l'instant croire à l'optimisme du long terme, car le court terme est trop cruel : il nous montre juste que l'on ne sait rien.

E.B. // Moneyzine

vendredi 19 juin 2009

La finance : une affaire de femmes ?


Vous l’avez sans doute vous aussi remarqué. On ne peut y échapper. Dans les médias, et plus particulièrement à la télévision, ce sont aujourd’hui majoritairement des femmes qui traitent des sujets financiers.

En France, les exemples ne manquent pas : Brigitte Boucher et Marie-Sophie Carpentier sur iTele, Claire Fournier qui a préféré (à mon grand désespoir) s’exiler sur France 5, Gaëtane Meslin sur BFM TV, et je suis sûr que les lecteurs francophones confirmeront le fait dans leurs pays respectifs.

Mais tout ceci n’est rien en comparaison des chaînes américaines et surtout de CNBC. Alors que Rebecca Meehan et Louisa Bojesen commencent à s’illustrer en Europe, la chaîne a fait naître de véritables stars aux Etats-Unis comme Maria Bartiromo, Erin Burnett (ci-dessous), et Becky Quick, toutes connues (et adulées) y compris dans les salles de marchés les plus miteuses du fin fond du pays.


Pourquoi les hommes en sont-ils arriver à jouer un rôle si périphérique dans la présentation des informations financières ? Plusieurs éléments de réponses peuvent être avancés :

Le bon sens sexiste résumera cette tendance au côté esthétique des présentatrices féminines. Les producteurs auraient tout simplement engagé des femmes pour rendre des données financières arides plus légères et sensuelles. Cette supposition impliquerait donc que ces femmes n’aient aucune compétence particulière à ce sujet, ou autrement dit que ce sont de belles potiches.

Pourtant, nous pouvons contredire ce scénario simpliste dans bien des cas. D’une part, toutes les présentatrices ne sont pas belles. Sans l’offenser, nous prendrons l’exemple de Silvia Wadhwa qui donne régulièrement des nouvelles du DAX (l'indice principal de la Bourse de Francfort) sur CNBC, et qui n’en est pas moins compétente. D’autre part, nous observons que la plupart de ces femmes maîtrisent parfaitement leur sujet, le cas le plus emblématique étant l’interview de Warren Buffet par une Becky Quick parfaitement dans son élément.

Une autre explication de l’hégémonie féminine sur l’information financière est que cette dernière contraste nettement avec un univers financier encore essentiellement masculin. En effet, ce sont surtout des hommes qui braillent dans les salles de marché ou sur les floors dans un climat particulièrement tendu voire agressif. Certes, les femmes s’y font peu à peu leur place, mais la tendance de fond reste lourde.

En prenant cet univers à contrepied, l’omniprésence féminine dans les médias financiers présente plusieurs avantages. Elle apporte une vision extérieure et souvent plus posée par rapport à l’agitation continue. On peut en effet imaginer que le fait d’avoir un visage féminin sur des écrans de télévision tournant en continu apporte en quelque sorte une once de sérénité dans un monde de brutes, agissant ainsi comme une sorte d’anxiolytique médiatique.

Mais ce n’est pas tout, cette omniprésence des femmes répond non seulement à une demande mais aussi à une évolution du profil des investisseurs, notamment particuliers. Alors qu’à une époque, la bonhommie d’un René Tendron ou d’un Jean-Pierre Gaillard rassurait l’épargnant, ces derniers apparaîtraient aujourd’hui comme trop « pépères », à l’image des placements de bon père de famille. Non, aujourd’hui l’investisseur averti est en quête de performance. Il n’hésite pas à s’aventurer sur des produits dynamiques : CFD, Turbos, Forex… et attend des informations financières une grande réactivité, sans toutefois sombrer dans l’hystérie. Le dynamisme tempéré de la plupart des présentatrices financières semble particulièrement adapté à ces attentes, ce qui semble également expliquer leur succès.

Ainsi, une femme qui parle de finance dans les médias présente l’avantage d’incarner à la fois la douceur de la mère qui rassure et calme l’investisseur, et la tentation de la séductrice qui lui donne envie de prendre certains risques plus ou moins mesurés. En résumé, elles semblent donc être le reflet idéal du perpétuel dilemme qui ronge continuellement l’univers, encore bien masculin, des marchés financiers.

E.B. // Moneyzine

vendredi 29 mai 2009

Le vocabulaire financier est votre ami

Utiliser les mots de la finance peut vous aider à vous sortir de situations délicates. Voici quelques idées pour parfaire votre langage "financièrement correct" :

Ne dites plus : « Je suis très dépensier »
Dites : « Je privilégie la relance par la consommation »

Ne dites plus : « Je lis tous les jours mon horoscope »
Dites : « J’anticipe la sortie de crise pour l’année prochaine »

Ne dites plus : « Je suis surendetté »
Dites : « J’envisage une émission obligataire »

Ne dites plus : « Je n’ai pas été augmenté cette année »
Dites : « Je crois qu'il est plus sain que je renonce à mon bonus »

Ne dites plus : « Je vais divorcer »
Dites : « J’envisage de futurs arbitrages »

Ne dites plus : « Mon banquier est un escroc »
Dites : « Le secteur bancaire connaît une grave crise systémique »

Ne dites plus : « J’ai gagné au loto »
Dites : « L'évolution de mon cash-flow s’avère largement supérieur aux attentes »

Ne dites plus : « Je me suis débarrassé de toutes tes vieilles affaires pourries »
Dites : « J’ai fait appel à une structure de défaisance »

Ne dites plus : « J’ai besoin d’un emprunt »
Dites : « J’envisage d’accroître mon ratio Tiers one »

Ne dites plus : « Je trompe mon conjoint »
Dites : « J’opère de gré à gré »

Maintenant c'est à vous de jouer...

E.B. // Moneyzine

lundi 11 mai 2009

Les vendeurs sont-ils en embuscade ?

C’est le rebond, le rally, bref la hausse. Pourtant, je ne connais que de futurs vendeurs en puissance ! Ai-je vraiment de saines fréquentations ?

J’adore observer les phases d’euphorie boursière. Toute mauvaise nouvelle est aussitôt désintégrée, toute bombe immédiatement désamorcée. Les statistiques sont horribles, mais pas de problème puisqu’elles sont supérieures aux attentes. A croire que tous les analystes sont d’irrémédiables pessimistes grincheux qui se sont tous égarés sur le mauvais chemin de la récession.

Donc, tout monte. Les actions, les obligations, le pétrole, le cuivre, le soja et même l’or, comme si des flots d’argent se déversaient de nouveau sur les marchés en quête désespérée d’actifs bon marché.

Il est intéressant de noter que cette rapide inversion de tendance arrive juste au moment où plus personne n’a vraiment intérêt à ce que la baisse continue. Même les hedge funds, dont la stratégie est censée être décorrelée des marchés, jouent de moins en moins les ours (animal représentant les vendeurs qui se délectent de tout effondrement des cours). Peut-être ce nouvel intérêt pour la hausse est-il à mettre en rapport avec les montagnes d’actifs horriblement peu valorisés qu’ils leur restent encore sur les bras. S’il n’existe pas de porte de sortie, pourquoi ne pas en fabriquer une ?

C’est également ce que j’observe sur un plan plus personnel. Ainsi, je ne compte plus dans mon entourage les vendeurs potentiels attendant secrètement le bon moment, même si eux ne peuvent pas fabriquer de porte.

En effet, les particuliers que je conseille ne me cachent pas le dégoût qu’ils ont développé envers les marchés financiers suite à la dévalorisation conséquente de leur portefeuille. Beaucoup me demandent juste de les prévenir quand les cours auront suffisamment remonté pour qu’ils rentrent dans leur frais. Leur intention étant bien sûr de tout liquider et de revenir à des supports d’épargne plus sérieux, et surtout plus doux pour leurs nerfs. J’avoue moi-même les encourager inconsciemment dans cette voie, en les mettant en garde de ne pas replonger dans de vaines illusions quand les premiers profits seront de retour dans leur portefeuille.

Certes, ces petits actionnaires ne représentent rien, mais leur comportement paraît tout à fait logique dans une optique à moyen terme. Le plus intéressant est de savoir si beaucoup de « gros » partagent les mêmes arrières pensées.

Comme on l’a dit, beaucoup de fonds cherchent une bonne fenêtre de tir pour liquider certains actifs, et on peut facilement imaginer les conséquences désastreuses sur les cours quand le moment paraîtra opportun (surtout que ce désengagement ira sans aucun doute de pair avec la réactivation de stratégies baissières agressives). Quel sera alors la réaction des investisseurs plus institutionnels ? La Chine, par exemple, détient aux alentours de 100 milliards de dollars en actions américaines. En cas de retournement de tendance, sera-t-elle prêt à faire le dos rond longtemps ? Ou se comportera-t-elle en investisseur réactif au risque de précipiter la baisse ?

Si l’avenir ne reste que doutes et suppositions, le présent nous montre à l’inverse que tout le monde a intérêt aujourd’hui à ce que les marchés se reprennent car… tout le monde a intérêt à vendre plus haut pour gommer les vilaines pertes de l’année dernière. Bref, chaque investisseur semble positionné en embuscade prêt à devenir un vendeur sanguinaire le moment venu.

Première conséquence : Les marchés actions ne seraient donc pas si sous-évalués. Ils le paraissent aujourd’hui car la plupart des valeurs sont encore horriblement basses pour ceux qui les détiennent. Ces derniers en ont aujourd’hui marre de faire le dos rond. Certains retrouvent donc l’énergie de se redresser, de prendre leur revanche, ce qui leur fait voir le potentiel de leurs actions plus gros qu’il ne l’est.

Deuxième conséquence : La reprise des marchés et l’optimiste volontariste sont donc des mythes ! Il est illusoire de penser que des tendances structurellement lourdes peuvent faire un virage à 180 degrés d’un mois à l’autre. Les marchés entretiennent seulement l’idée de reprise (avec l’aide des médias) parce que la hausse profite pour l’instant au plus grand nombre (et surtout aux initiés), ou plutôt parce que la baisse ne rapporte plus.

Troisième et terrible conséquence : Si la hausse actuelle n’est qu’un phénomène artificiellement entretenu pour donner l’occasion future à certains malins de sortir de la mauvaise passe de l’année dernière, les marchés risquent de s’effondrer dramatiquement quand les vendeurs sortiront et dévoileront leurs réelles intentions. Ceux qui auront naïvement cru au miracle actuel de la reprise marchés se feront alors dévorer sauvagement ! Se faire avoir une fois est humain, la deuxième fois permet juste de distinguer le sage de l’imbécile qui n’a rien appris de ses erreurs passées.

E.B. // Moneyzine

lundi 4 mai 2009

Yuppie ! La fête est finie

Les mots changent mais les idées restent. Dans les années 1980, le mot yuppie fleurissait dans tous les médias comme l’archétype de la réussite sociale. Un yuppie (contraction de Young Urban Professional) était en quelque sorte la version anglophone du « beau, jeune, riche et en bonne santé ».

Le yuppie travaillait le plus souvent à Wall Street et était parfois aussi appelé « Golden Boy ». A l’époque, je me souviens avoir lu un article qui disait que certains d’entre eux gagnaient parfois plus de 100 000 francs français par mois (l’équivalent de 15 000 euros aujourd’hui, sans compter l’inflation). Certes, de nos jours, un tel revenu est sans doute digne d’un loser et permet à peine de s’acheter une montre correcte, mais j’avoue que cela m’avait alors impressionné.

Tout allait bien pour eux tant que les marchés boursiers montaient, et puis tout à coup la situation s’est mise à déraper. Le krach d’octobre 1987 (qui apparaît ridicule aujourd’hui) commence alors à pointer du doigt certaines dérives du système financier. L’image du « golden boy » se ternit peu à peu pour devenir celle d’un jeune con peu scrupuleux prêt à vendre père et mère pour toucher son bonus.

Hasard du calendrier ou pas, en décembre de la même année sort le film « Wall Street » d’Oliver Stone. Le personnage de Gordon Gekko tue alors définitivement l’image du sympathique yuppie. Michael Douglas incarne le cynisme à l’état pur : Gordon négocie plus d’un milliard de dollars avant même son premier petit déjeuner, et se fout comme de sa première culotte des conséquences que ces transactions peuvent avoir sur l’économie « réelle » ou sur la vie des gens.

Un pas était franchi. Le yuppie n’était plus notre ami, et il n’était même plus l’ami de l’économie. C’était devenu un requin déconnecté de la réalité, vivant dans un aquarium obscur et prêt à bouffer tout cru n’importe quelle société battant un peu de l’aile. Pour ne rien arranger, Bret Easton Ellis en rajouta une couche en imaginant Patrick Bateman. Non content d’être un voleur, le yuppie devenait serial killer !

Un rêve s’écroulait et le mot yuppie tomba peu à peu en désuétude. La bourse perdit un peu de sa superbe médiatique dans les années 1990, mais elle revint en force à l’aube des années 2000. Les marchés devenaient fous, des fortunes immenses se constituaient ou disparaissaient.

Une nouvelle appellation commença alors à devenir à la mode, nous découvrions le monde des traders. Avec l’explosion des systèmes informatiques et d’Internet, le trader passait son temps devant des écrans clignotants. Il tapotait sur des boutons, personne ne comprenait vraiment à quoi cela servait, mais tout le monde savait que cela rapportait un maximum d’argent.

Certes, il y avait quelques accidents. En 1995, cela s’était mal passé pour Nick Leeson qui en spéculant avait mis par terre une respectable banque anglaise. Mais finalement rien de très sérieux (860 millions de livres sterling perdues soit à peine de quoi attirer l’attention aujourd’hui quand l’unité courante est devenue le millier de milliards…).

Heureusement, Ewan McGregor avait sauvé la mise en rendant le personnage presque sympathique dans le film « Rogue Trader » (sorti sans le qualificatif « rogue » en France, comme si un trader était forcément une fripouille). Les traders pouvaient donc se vautrer sans complexe dans la bulle Internet naissante, sans susciter trop d’émois.

Malheureusement, quand une bulle explose, les événements prennent une dimension morale. Le commun des mortels sous-payé se dit qu’il y a une justice, et l’opinion recommença à pointer certaines dérives. Mais à vrai dire cela avait peu d’importance.

En effet, avec la flambée des hedge funds, peu importait la direction de la bourse. Un seul mot d’ordre : spéculer. Dans ce cas, la baisse n’a jamais été un problème, elle devient juste un prétexte pour mettre en place une gestion alternative.

Je ne sais pas si c’est à partir de là, mais progressivement tout s’est mis à partir dans tous les sens. N’importe quel tactique est apparue viable tant qu’elle générait du profit : trafic de comptabilité, analyses complaisantes, excès d’effet de levier, produits financiers exotiques censés dilués le risque…

Et krach… mais cette fois-ci les répercussions semblent beaucoup plus sérieuses. Des gens se retrouvent dehors et/ou au chômage, de « vraies » industries commencent à fermer leur porte, des économies « réelles » découvrent la récession.

Face à tel cataclysme, on comprend bien que l’opinion publique ait besoin d’un coupable, et quoi de mieux que cet univers de la finance : opaque, mystérieux voire mythologique. Un monde fait de dieux, de héros plus ou moins sacrifiés, un miroir des comportements les plus vils et où toute morale apparaît bien relative.

Le trader est en passe de devenir le symbole du vol, de la corruption, de la cupidité et du mensonge (liste non exhaustive). On le traque, il doit parfois se déguiser, son nom est devenu une insulte, bref c’est la honte. A l’instar d’une idole qu’on a plaisir à enflammer, le trader est condamné à endosser la responsabilité des échecs de l’humanité.

L’argent a la troublante faculté de générer l’admiration, l’envie, la jalousie et la haine. L’image du trader ne fait qu’évoluer au gré de ces sentiments humains. Quand tout ira mieux, tel le phœnix, il renaîtra encore plus flamboyant… mais peut-être encore sous un autre nom !

E.B. // Moneyzine

lundi 27 avril 2009

Au secours, l'or est à la mode !

La mode n’est souvent pas une très bonne alliée en matière d’investissement. Tous ceux qui ont vécu la bulle internet s’en souviennent. Peu avant son explosion en 2001, les valeurs technologiques étaient au pic de leur popularité : tout le monde en parlait, les médias étaient friands de reportages sur les start-up, sur les miracles économiques qui se réalisaient grâce à Internet.

Mais, pour les initiés, c’était déjà trop tard. Ces derniers se doutaient bien que ces valeurs se payaient déjà beaucoup trop chères. Seulement quand tous les médias s’extasient, la pression est bien grande pour les particuliers de céder aux sirènes de la mode, en espérant des rendements stratosphériques. Cette folie passagère nous a au moins appris le nouvel adage : « Quand votre concierge commence à vous demander des conseils sur des actions, vendez tout et vite ! ».

Pour autant, cette bulle nous a-t-elle réellement servie de leçon ? A partir de 2003, c’était déjà reparti. Les actions se sont mises à voler jusqu’au ciel, même si cette fois-ci beaucoup de petits investisseurs sont restés hors du coup, sans doute calmés par la descente aux enfers encore récente de leur portefeuille.

A croire, comme je le disais dans un article précédent, que la bulle est devenue le mode standard d’évolution des marchés. Comment expliquer un tel phénomène, si ce n’est par une généralisation et une banalisation de la spéculation sur des marchés de plus en plus accessibles (Forex ou matières premières, par exemple, auparavant strictement réservés aux professionnels avertis).

Cette fois-ci, la mode semble se porter sur une matière un brin vieillotte : l’or. En effet, dans l’imaginaire encore récent, posséder de l’or renvoyait à des périodes de guerre ou de forte inflation : c’était un truc de vieux. On pensait à son grand-père qui cachait des napoléons en cas de coups durs, ou à René Tendron qui nous donnait les cours du lingot au journal de 13 heures dans les années 1980.

Et puis, magie de la mode, tout s’inverse. Investir en or deviendrait tout simplement incontournable voire indispensable. Pas une semaine, sans que la presse ou la télévision aborde le sujet. Le nap’ (petit nom donné au vieux napoléon poussiéreux) n’est plus ringard, et offrir des pièces devient de meilleur goût (quand elles ne décorent pas des œufs en chocolat…).

Certes, l’atmosphère de crise redonne des couleurs au métal jaune. Certains investisseurs tombent en effet dans le pessimisme et s’imaginent déjà payer leur achat en or, seul actif qui vaudra à l’avenir encore quelque chose. Ainsi, l’or brille beaucoup mieux en période de peur : peur d’une crise longue et durable, de la faillite des banques, d’un retour de l’hyperinflation, de la dégradation boursière et immobilière, etc.

La tendance poussant l’or à la hausse tend à s’expliquer facilement face au climat actuel, surtout depuis septembre 2007, date à laquelle les marchés actions ont commencé à faiblir puis à s’effondrer (effet miroir sur la courbe entre la courbe de l’or et celui du S&P 500 à partir de cette date). Cependant, comme on le voit aussi, la tendance haussière sur l’or est beaucoup plus ancienne et durable.


Le marché de l’or commence en effet à s’agiter vers 2002, puis il connaît une poussée de fièvre fin 2005 / début 2006, alors même que les indices boursiers (par exemple, le S&P 500 ci-dessus) poursuivent également leur progression.

Ainsi l’or et les actions vont connaître une période de hausse simultanée, ce qui peut paraître étrange. La question est de savoir ce qui s’est passé pendant ces deux années entre fin 2005 et fin 2007 pour que rien n’infléchisse la tendance haussière de l’or.

Si l’on regarde les principaux facteurs tendant à influencer le prix de l’or, l’inflation était très modérée, la confiance plutôt bonne et il n’y a pas eu d’achats significatifs de la part des banques centrales pour mettre en réserve le métal précieux. Qu’est-il donc arrivé, alors que l’on ne parlait pas encore d’or à la télé, pour expliquer cette hausse ?

Premier élément de réponse : la faiblesse du dollar. C’est justement à la fin 2005 que le dollar commence à décrocher par rapport aux autres devises. Nous pouvons observer sur la courbe ci-dessous, un bel effet miroir, du moins jusqu’à août 2007, entre le cours de l’or qui évolue à peu près parfaitement en sens contraire de celui du dollar. Quand la monnaie de référence perd de la valeur, il est en effet logique de se tourner vers des actifs plus sûrs.

Deuxième élément de réponse : A cette période, qui a intérêt à acheter de l’or ?

- D’une part, les investisseurs qui commencent à douter des marchés actions, qui voient une prochaine bulle arriver notamment du côté de l’immobilier : ce qui ne devait pas représenter beaucoup de personnes quand on voit le nombre d’initiés qui se sont fait piéger par l’effondrement boursier.

Néanmoins, à la fin 2005, les matières premières commencent à devenir populaires. Elles représentent de nouvelles opportunités spéculatives mais également un bon support de diversification. Ce n’est pas un hasard si c’est exactement à la même époque que commencent également à décoller des produits comme le cuivre, le nickel ou bien encore le blé. L’effet de mode peut débuter, et comme toutes les modes, elle ne concerne au départ qu’une élite. Il faudra attendre la crise récente pour qu’elle se propage plus facilement au sein de la masse.

- D’autre part, tous ceux qui avaient intérêt à se débarrasser de leurs dollars dont la valeur fondait au soleil, bref tous ceux qui à force de vendre des produits aux Etats-Unis, se sont retrouvés avec des montagnes de monnaie verte.

On peut donc imaginer que certains Etats se soient mis à acheter de l’or par sécurité ou par souci de diversification. Si l’intérêt de la Chine est en théorie de soutenir le dollar et la consommation américaine, on peut s’interroger sur la stratégie plus ou moins discrète de certains autres pays, notamment pétroliers, sans doute moins scrupuleux.

Ainsi, en observant les prémices de la tendance haussière sur l’or, nous pouvons affirmer que celle-ci est particulièrement solide. Ainsi, la bulle en formation a toutes les chances d’être énorme. A-t-elle déjà donné tout son potentiel ? On peut encore en douter et il serait donc trop bête de ne pas en profiter. Tout l’enjeu réside dans le fait de savoir quand il faudra se retirer au risque de tout perdre. C’est bien sûr plus facile à imaginer qu’à faire quand on commence à se sentir grisé : un art tout aussi délicat que l’est le coït interrompu dans un tout autre domaine.

E.B. // Moneyzine

mercredi 15 avril 2009

Trois bulles ou un krach ?

Beaucoup d’analystes et d’investisseurs s’affolent en ce moment. Serait-ce la reprise tant espérée ? Les indices boursiers reprennent des couleurs, la volatilité se calme et chaque mauvaise nouvelle commence à être relativisée et se révèle finalement moins pire que prévue. Tout le monde le dit, 2009 va être une sale année, mais la reprise sera là en 2010. Comme les bourses ont tendance à anticiper les tendances, certains estiment alors qu’il est temps de se replacer sur le marché.

Ainsi, les commentaires se multiplient concernant « la sortie de crise » : expression particulièrement à la mode dans les médias. Pourtant, cet excès d’optimisme me semble largement démesuré, voire même très naïf. Tels des enfants qui ne peuvent plus attendre avant de se remettre à jouer, les investisseurs semblent se jeter sur le moindre espoir dans le but de le transformer en rebond durable.

Mais pourquoi me direz-vous être toujours éternellement pessimiste ? Imaginons un instant que tout le troupeau ait raison et que nous nous dirigions vers une hausse des marchés. Dans ce cas, cela pourrait encore être pire avec la formation d’une troisième bulle qui pourrait s’avérer largement plus dangereuse que les deux précédentes.

En effet, si l’on se penche sur l’historique des marchés boursiers (par exemple le S&P 500), on peut isoler trois phases différentes dans leur évolution après la seconde guerre mondiale.



Première phase : Jusque dans les années 1980, le marché reste atone. Les hausses sont assez vite corrigées et la tendance de fond reste assez stable durant environ 30 ans !

Deuxième phase : A partir du début des années 1980, le marché connaît une phase haussière solide qui va s’étaler sur le long terme. La bourse devient un eldorado et les autres actifs perdent leur intérêt. Cette situation inédite fait alors dire à beaucoup d’analystes que la bourse est toujours gagnante sur le long terme, et que c’est sans aucun doute le placement le plus rentable. En effet, même si l’évolution des cours connaît quelques décrochages ponctuels (comme celui de 1987), la tendance haussière reprend vite le dessus au bout de quelques mois.

Troisième phase : A partir du milieu des années 1990, la phase de hausse se poursuit mais elle connaît une brutale accélération. La hausse devient exponentielle et rien ne semble l’arrêter. C’est le début de la phase de bulles. La première éclate peu en 2000 et donne lieu à une correction de près de 50%. La deuxième éclate en 2008 et engendre une baisse à peu près similaire jusqu’à maintenant.



Ainsi, nous nous retrouvons actuellement à un moment charnière où il est particulièrement difficile de prévoir la nouvelle tendance de fond.

Premier scénario : une troisième bulle. Avec les différents plans de relance mis en place par les gouvernements l’activité semble repartir. Une partie des Américains se remet à épargner, les banques consolident leurs bilans. L’espoir renaît et c’est reparti pour quelques années de hausse. Néanmoins, s’il elle se forme, la prochaine bulle devrait être sensiblement moins longue.

Nous commençons en effet à utiliser nos dernières cartouches pour dynamiser la croissance économique, mais les problèmes de fond restent non résolus : les déséquilibres nord/sud, l’endettement colossal des économies occidentales, la valeur relative du dollar, l’épuisement des matières premières sur lesquelles reposent nos industries.

Alors que les deux premières bulles avaient mis environ 5 ans à se former, la troisième atteindrait sans doute plus vite sa maturité car les Etats sont enfermés dans un cycle infernal d’endettement qui ne pourra être facilement ralenti, si ce n’est par une forte inflation qui mettrait à mal le dollar. Dans ce cas, la principale inconnue subsiste : qu’y aura-t-il après le dollar ? De toute manière, si la bulle boursière est artificiellement entretenue par des pressions inflationnistes, son éclatement sera d’autant plus dramatique. Bref, plus longue sera la montée, plus elle sera au final douloureuse.

Deuxième scénario : un krach. Que vaut-il mieux ? Une mort rapide ou une mort lente emplie d’espoirs meurtris et de souffrances ? Le krach, s’il est terrible, est un moment de transition particulièrement court et violent. S’il est générateur de dégâts ponctuels, sa fonction destructrice permettrait néanmoins de faire émerger un système économique plus sain : la catastrophe nécessite qu’on s’attaque réellement aux problèmes de fond. La fuite n’est plus possible.

Bien sûr, ce scénario fait encore plus peur que le premier car l’inconnue est totale, notamment sur le plan politique et social. Néanmoins, un tel basculement peut sans doute aussi s’avérer moins destructeur que ce que pourrait engendrer l’actuelle myopie des marchés. Ce n’est pas en évinçant les problèmes que ces derniers seront réglés. D’un tel aveuglement ne peut que germer la prochaine crise qui devrait sans nul doute s’avérer alors beaucoup plus dramatique.

E.B. // Moneyzine