C’est la crise, enfin on serait en droit d’en douter tellement les médias font tout pour nous redonner le moral : Pas vraiment une vraie récession, pas vraiment de risque de faillite, non vraiment pas grand-chose…
Qu’a-t-on mis en œuvre pour faire disparaître les peurs aussi rapidement (du moins d’ici mi-2009) ? Des plans de relance, de l’injection de liquidités, de l’argent gratuit, bref tout pour que « le show se poursuive », que les économies occidentales continuent à consommer et à spéculer, comme elles le faisaient avant de se faire très peur il y a quelques mois (quand les épargnants ont commencé à douter des banques, les gouvernements assurant alors la garantie des dépôts, comme si les Etats déjà surendettés pouvait garantir quoi que ce soit en cas de retrait massif des liquidités).
Mais tout ceci n’est pas logique, du moins pas très viable à terme. Loin d’être un anticapitaliste, je me souviens que, déjà très jeune, je doutais de la capacité de ce système à générer de la richesse éternellement. En cours d’économie, j’apprenais alors les principes du fordisme dans lequel l’ouvrier (le producteur) est censé disposer d’un pouvoir d’achat lui permettant d’être consommateur de sa propre production. Un peu comme un chat s’amuse à poursuivre sa queue, l’accumulation de richesses dans un système capitaliste est alimentée par une logique « auto-alimentatrice » supposée sans fin.
Le problème est qu’aujourd’hui l’individu consomme de moins en moins ce qu’il produit. Il préfère acheter à faible prix des marchandises fabriquées dans d’autres pays et distribuées à bas coût par ses propres compatriotes. Seulement, n’ayant plus d’argent par le biais de sa propre production, il doit en obtenir par d’autres voies.
C’est là qu’interviennent les fonctions tertiaires : il ne lui reste plus qu’à vendre ses services à d’autres personnes ou à des entreprises qui les factureront très cher à d’autres personnes. Se développe alors tout un système intermédiaire lié à la finance, au droit, à la recherche, au commerce… qui cherche également à s’autoalimenter pour générer sa propre croissance.
La consommation peut donc continuer grâce à cette nouvelle dynamique. Néanmoins, le consommateur cherchant à acheter moins cher, il met alors la pression sur ce monde des services, en oubliant parfois que c’est de ce nouveau secteur qu’il tire l’essentiel de ses revenus.
Il y a en effet un autre souci : notre consommateur est également devenu un investisseur. Il a acheté des actions de toutes ces grandes sociétés et entend bien en retirer un confortable dividende. Or, tout ce qu’il obtient par ce biais (les revenus du capital), lui est en quelque sorte soustrait de ses revenus du travail, ou du travail de son voisin, ou de celui de la caissière du supermarché du coin, bref de sa communauté.
S’il est égoïste, il ne pensera qu’à son intérêt et verra alors cela comme une redistribution. Sauf qu’en réalité, il a seulement l’illusion d’être un investisseur (avec sa poignée actions), alors qu’il est simplement un acteur microscopique du marché, et surtout qu’il reste avant tout un être dépendant de son travail.
La véritable distribution ne s’effectue en réalité qu’au bénéfice d’une toute petite minorité, possédant des milliers d’actions. Ainsi, à force de se prendre lui-même pour un gestionnaire financier (alors qu’il n’est qu’un petit capitaliste virtuel), l’individu d’aujourd’hui oublie qu’en mettant la pression sur ses concitoyens (c’est-à-dire en privilégiant ses intérêts de consommateur et d’investisseur), il ne fait que se tirer une balle dans le pied puisque ses revenus proviennent en majorité des fruits de son travail (il tend alors à minimiser son intérêt de travailleur), et que son bonheur provient en grande partie du bien-être de sa communauté (il occulte son intérêt collectif car son intérêt individuel lui paraît immédiatement plus gratifiant).
Ainsi, cette logique économique serait destinée à sombrer prochainement car elle aurait comme conséquence logique un appauvrissement généralisé de la masse des individus, une destruction des communautés et un écroulement du système économique suite à l’effondrement ultime de la consommation.
Or, c’est oublier un peu vite l’arme absolue de nos économies occidentales : le crédit. Emprunter, que ce soit pour un individu ou pour un Etat, permet à ce système de survivre. Le consommateur maintient son niveau de vie (en dépensant l’argent qu’il n’a pas), les gouvernements maintiennent l’illusion d’une prospérité croissante à l’infini.
Il est alors assez facile pour nos économies occidentales de sortir de la crise, de se maintenir artificiellement au-dessus du lot : il suffit de continuer à contrôler les circuits monétaires et à s’endetter plus que de raison. Notre impression d’être légitimement riche est donc aisément maintenue (par un refoulement de notre passif ?), alors que ce sentiment est en grande partie basé sur une tragique injustice mondiale, c’est-à-dire le refus d’un rééquilibrage des richesses au niveau mondial qui induirait une chose inimaginable et surtout politique intenable pour nos économies occidentales : accepter l’idée de notre propre déclin.
Nous ne produisons quasiment plus rien, à part quelques services de plus en plus virtuels alimentés par le propre reflet de notre consommation (qui représenterait 70 % de la richesse aux Etats-Unis). Nous mettons la pression sur les producteurs et les fournisseurs pour toujours bénéficier des prix les plus bas sans se rendre compte que c’est notre propre production que nous sacrifions, que ce sont nos enfants que nous condamnons à un salaire minimal toute leur vie.
L’idée merveilleuse qui voudrait que tout aille toujours mieux meurt à petit feu. Ce n’est pas en éditant de l’argent sans fin, ni en maintenant en surchauffe l’endettement des Etats et des ménages qu’on se construit un avenir. La vérité est que nous sommes beaucoup plus riches que nous devrions l’être au détriment d’une autre partie du monde, qui commence à se rendre compte qu’elle est spoliée depuis bien trop longtemps.
La crise que nous vivons va s’en doute s’estomper prochainement. Mais d’une certaine manière une ambiance de crise risque de s’installer durablement dans notre quotidien économique. Le monde est dans un équilibre instable et la fuite en avant des acteurs économiques est obligatoire s’ils ne veulent pas que tout s’écroule. Les crises représentent seulement l’un des symptômes du déséquilibre, mais elles vont être amenées à se multiplier, à durer et à se durcir, car le point de rupture est proche.
La crise actuelle ? Une rigolade : on injecte quelques trillions de dollars et tout est réglé. Les médias se lasseront vite et la société aussi (sous peine d’une dépression généralisée).
On peut sans peine imaginer que se voiler la face ne fera que préparer le terrain pour quelque chose de plus terrible, d’inimaginable, qui nous dépasse complètement. Sommes-nous en train de creuser la tombe de notre système économique, de nos croyances et de nos espérances ? Que restera-t-il pour nous sauver ? La foi ? La raison ? La haine ? Peu importe, tels des enfants doués d’une éternelle candeur, nous préférons croire au Père Noël, et continuons à jouer avec des choses que nous ne méritons pas. Reste à savoir quel sera leur véritable prix quand le destin nous présentera l’addition.
E.B. // Moneyzine
Qu’a-t-on mis en œuvre pour faire disparaître les peurs aussi rapidement (du moins d’ici mi-2009) ? Des plans de relance, de l’injection de liquidités, de l’argent gratuit, bref tout pour que « le show se poursuive », que les économies occidentales continuent à consommer et à spéculer, comme elles le faisaient avant de se faire très peur il y a quelques mois (quand les épargnants ont commencé à douter des banques, les gouvernements assurant alors la garantie des dépôts, comme si les Etats déjà surendettés pouvait garantir quoi que ce soit en cas de retrait massif des liquidités).
Mais tout ceci n’est pas logique, du moins pas très viable à terme. Loin d’être un anticapitaliste, je me souviens que, déjà très jeune, je doutais de la capacité de ce système à générer de la richesse éternellement. En cours d’économie, j’apprenais alors les principes du fordisme dans lequel l’ouvrier (le producteur) est censé disposer d’un pouvoir d’achat lui permettant d’être consommateur de sa propre production. Un peu comme un chat s’amuse à poursuivre sa queue, l’accumulation de richesses dans un système capitaliste est alimentée par une logique « auto-alimentatrice » supposée sans fin.
Le problème est qu’aujourd’hui l’individu consomme de moins en moins ce qu’il produit. Il préfère acheter à faible prix des marchandises fabriquées dans d’autres pays et distribuées à bas coût par ses propres compatriotes. Seulement, n’ayant plus d’argent par le biais de sa propre production, il doit en obtenir par d’autres voies.
C’est là qu’interviennent les fonctions tertiaires : il ne lui reste plus qu’à vendre ses services à d’autres personnes ou à des entreprises qui les factureront très cher à d’autres personnes. Se développe alors tout un système intermédiaire lié à la finance, au droit, à la recherche, au commerce… qui cherche également à s’autoalimenter pour générer sa propre croissance.
La consommation peut donc continuer grâce à cette nouvelle dynamique. Néanmoins, le consommateur cherchant à acheter moins cher, il met alors la pression sur ce monde des services, en oubliant parfois que c’est de ce nouveau secteur qu’il tire l’essentiel de ses revenus.
Il y a en effet un autre souci : notre consommateur est également devenu un investisseur. Il a acheté des actions de toutes ces grandes sociétés et entend bien en retirer un confortable dividende. Or, tout ce qu’il obtient par ce biais (les revenus du capital), lui est en quelque sorte soustrait de ses revenus du travail, ou du travail de son voisin, ou de celui de la caissière du supermarché du coin, bref de sa communauté.
S’il est égoïste, il ne pensera qu’à son intérêt et verra alors cela comme une redistribution. Sauf qu’en réalité, il a seulement l’illusion d’être un investisseur (avec sa poignée actions), alors qu’il est simplement un acteur microscopique du marché, et surtout qu’il reste avant tout un être dépendant de son travail.
La véritable distribution ne s’effectue en réalité qu’au bénéfice d’une toute petite minorité, possédant des milliers d’actions. Ainsi, à force de se prendre lui-même pour un gestionnaire financier (alors qu’il n’est qu’un petit capitaliste virtuel), l’individu d’aujourd’hui oublie qu’en mettant la pression sur ses concitoyens (c’est-à-dire en privilégiant ses intérêts de consommateur et d’investisseur), il ne fait que se tirer une balle dans le pied puisque ses revenus proviennent en majorité des fruits de son travail (il tend alors à minimiser son intérêt de travailleur), et que son bonheur provient en grande partie du bien-être de sa communauté (il occulte son intérêt collectif car son intérêt individuel lui paraît immédiatement plus gratifiant).
Ainsi, cette logique économique serait destinée à sombrer prochainement car elle aurait comme conséquence logique un appauvrissement généralisé de la masse des individus, une destruction des communautés et un écroulement du système économique suite à l’effondrement ultime de la consommation.
Or, c’est oublier un peu vite l’arme absolue de nos économies occidentales : le crédit. Emprunter, que ce soit pour un individu ou pour un Etat, permet à ce système de survivre. Le consommateur maintient son niveau de vie (en dépensant l’argent qu’il n’a pas), les gouvernements maintiennent l’illusion d’une prospérité croissante à l’infini.
Il est alors assez facile pour nos économies occidentales de sortir de la crise, de se maintenir artificiellement au-dessus du lot : il suffit de continuer à contrôler les circuits monétaires et à s’endetter plus que de raison. Notre impression d’être légitimement riche est donc aisément maintenue (par un refoulement de notre passif ?), alors que ce sentiment est en grande partie basé sur une tragique injustice mondiale, c’est-à-dire le refus d’un rééquilibrage des richesses au niveau mondial qui induirait une chose inimaginable et surtout politique intenable pour nos économies occidentales : accepter l’idée de notre propre déclin.
Nous ne produisons quasiment plus rien, à part quelques services de plus en plus virtuels alimentés par le propre reflet de notre consommation (qui représenterait 70 % de la richesse aux Etats-Unis). Nous mettons la pression sur les producteurs et les fournisseurs pour toujours bénéficier des prix les plus bas sans se rendre compte que c’est notre propre production que nous sacrifions, que ce sont nos enfants que nous condamnons à un salaire minimal toute leur vie.
L’idée merveilleuse qui voudrait que tout aille toujours mieux meurt à petit feu. Ce n’est pas en éditant de l’argent sans fin, ni en maintenant en surchauffe l’endettement des Etats et des ménages qu’on se construit un avenir. La vérité est que nous sommes beaucoup plus riches que nous devrions l’être au détriment d’une autre partie du monde, qui commence à se rendre compte qu’elle est spoliée depuis bien trop longtemps.
La crise que nous vivons va s’en doute s’estomper prochainement. Mais d’une certaine manière une ambiance de crise risque de s’installer durablement dans notre quotidien économique. Le monde est dans un équilibre instable et la fuite en avant des acteurs économiques est obligatoire s’ils ne veulent pas que tout s’écroule. Les crises représentent seulement l’un des symptômes du déséquilibre, mais elles vont être amenées à se multiplier, à durer et à se durcir, car le point de rupture est proche.
La crise actuelle ? Une rigolade : on injecte quelques trillions de dollars et tout est réglé. Les médias se lasseront vite et la société aussi (sous peine d’une dépression généralisée).
On peut sans peine imaginer que se voiler la face ne fera que préparer le terrain pour quelque chose de plus terrible, d’inimaginable, qui nous dépasse complètement. Sommes-nous en train de creuser la tombe de notre système économique, de nos croyances et de nos espérances ? Que restera-t-il pour nous sauver ? La foi ? La raison ? La haine ? Peu importe, tels des enfants doués d’une éternelle candeur, nous préférons croire au Père Noël, et continuons à jouer avec des choses que nous ne méritons pas. Reste à savoir quel sera leur véritable prix quand le destin nous présentera l’addition.
E.B. // Moneyzine
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