Certains de mes lecteurs s'inquiètent pour moi. Ils trouvent mes derniers articles particulièrement négatifs, voire déprimants. Sans doute ont-ils raison, et suis-je gagné par une sorte de dépression hivernale que j'espère courte. Mais, au-delà de ce rapide diagnostic, je tiens à les rassurer sur ma santé mentale. Certes, je fais actuellement partie de ceux qui voient le verre à moitié voire aux trois-quarts vide, mais afficher un optimisme de façade me paraît plutôt tenir de la charlatanerie économique dans ce contexte tourmenté. Les mêmes analystes qui n'avaient rien vu venir, sont à peu près les mêmes qui voient aujourd'hui l'avenir auréolé de rose (entre les deux, ils en ont également souvent profité pour vendre des livres très avertis sur leur vision de la crise).
Pour ne pas trop sombrer dans de noires visions, je vais m'efforcer dans les prochains mois d'adopter une attitude plus positive, histoire de me débarrasser des araignées qui commencent à s'agglutiner au plafond de Moneyzine.
Mes derniers diagnostics inquiétants avaient comme argumentation principale la démesure qu'avait tendance à prendre l'endettement dans le but de relancer la machine économique. Certains m'ont fait remarquer, à raison, que ma vision était un peu trop dogmatique à ce sujet, bref que j'oubliais de mentionner le côté positif de la dette.
Pour leur rendre justice, et pour équilibrer mon propos, j'admets ainsi la très grande fonction économique de l'endettement, qui permet de se libérer du présent, d'envisager un avenir différent, et peut-être meilleur. Affirmons-le : "Sans dette, pas de progrès !". Que ce soit pour devenir propriétaire, assurer le besoin en fonds de roulement d'une entreprise, augmenter la rentabilité financière d'une société (effet de levier), permettre à un pays des transformations structurelles, bref pour assurer le développement économique... la dette est vitale.
Soit ! Mais à vrai dire, je n'ai jamais totalement renié cette évidence. Ce que je m'efforçais de dénoncer était plutôt le recours systématique et massif à un endettement global devenu endémique dans un système mondialisé. Qu'il soit privé ou public, cet endettement massif compromet à mon avis des mutations mondiales nécessaires. En maintenant artificiellement en vie à coup de déficits abyssaux leur hégémonie économique, certains pays continuent à vivre leur rêve, mais compromettent sérieusement l'avenir des autres. Bref, à force de se projeter brutalement dans l'avenir, on finit par le détruire !
Prenons l'exmple classique d'une personne surendettée. Au début tout va bien. Elle profite, accumule les crédits mais vit dans la profusion. Certes, il y a bien un sentiment de malaise qui monte mais elle remet ça à plus tard (la génération suivante ?). Puis, au bout d'un moment la machine se grippe, les créanciers ne sont plus aussi généreux et certains même commencent à exiger d'être régulièrement remboursés. Le piège se referme : non seulement cet ancien consommateur heureux ne peut plus rien acheter (se projeter dans l'avenir), mais il ne profite même plus du présent tellement sa situation devient difficilement supportable.
Si cette histoire ressemble donc étrangement à une version contemporaine de La Cigale et La Fourmi, ce n'est pas pour vanter l'épargne, ni pour condamner la dette, ni même pour être négatif mais simplement pour rappeler que toute satisfaction facile et immédiate entraîne irrémédiablement un certain sacrifice pour l'avenir. C'est que ce que Jean de La Fontaine appelait une morale. Mais suis-je bête, j'oubliais que l'économie (ou le capitalisme) était étrangère à toute morale (on me le répète pourtant assez souvent). Dans ce cas, je suis rassuré, inutile de s'efforcer à être positif, s'il ne peut finalement rien y avoir de mauvais dans l'économie.
E.B. // Moneyzine
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