lundi 11 mai 2009

Les vendeurs sont-ils en embuscade ?

C’est le rebond, le rally, bref la hausse. Pourtant, je ne connais que de futurs vendeurs en puissance ! Ai-je vraiment de saines fréquentations ?

J’adore observer les phases d’euphorie boursière. Toute mauvaise nouvelle est aussitôt désintégrée, toute bombe immédiatement désamorcée. Les statistiques sont horribles, mais pas de problème puisqu’elles sont supérieures aux attentes. A croire que tous les analystes sont d’irrémédiables pessimistes grincheux qui se sont tous égarés sur le mauvais chemin de la récession.

Donc, tout monte. Les actions, les obligations, le pétrole, le cuivre, le soja et même l’or, comme si des flots d’argent se déversaient de nouveau sur les marchés en quête désespérée d’actifs bon marché.

Il est intéressant de noter que cette rapide inversion de tendance arrive juste au moment où plus personne n’a vraiment intérêt à ce que la baisse continue. Même les hedge funds, dont la stratégie est censée être décorrelée des marchés, jouent de moins en moins les ours (animal représentant les vendeurs qui se délectent de tout effondrement des cours). Peut-être ce nouvel intérêt pour la hausse est-il à mettre en rapport avec les montagnes d’actifs horriblement peu valorisés qu’ils leur restent encore sur les bras. S’il n’existe pas de porte de sortie, pourquoi ne pas en fabriquer une ?

C’est également ce que j’observe sur un plan plus personnel. Ainsi, je ne compte plus dans mon entourage les vendeurs potentiels attendant secrètement le bon moment, même si eux ne peuvent pas fabriquer de porte.

En effet, les particuliers que je conseille ne me cachent pas le dégoût qu’ils ont développé envers les marchés financiers suite à la dévalorisation conséquente de leur portefeuille. Beaucoup me demandent juste de les prévenir quand les cours auront suffisamment remonté pour qu’ils rentrent dans leur frais. Leur intention étant bien sûr de tout liquider et de revenir à des supports d’épargne plus sérieux, et surtout plus doux pour leurs nerfs. J’avoue moi-même les encourager inconsciemment dans cette voie, en les mettant en garde de ne pas replonger dans de vaines illusions quand les premiers profits seront de retour dans leur portefeuille.

Certes, ces petits actionnaires ne représentent rien, mais leur comportement paraît tout à fait logique dans une optique à moyen terme. Le plus intéressant est de savoir si beaucoup de « gros » partagent les mêmes arrières pensées.

Comme on l’a dit, beaucoup de fonds cherchent une bonne fenêtre de tir pour liquider certains actifs, et on peut facilement imaginer les conséquences désastreuses sur les cours quand le moment paraîtra opportun (surtout que ce désengagement ira sans aucun doute de pair avec la réactivation de stratégies baissières agressives). Quel sera alors la réaction des investisseurs plus institutionnels ? La Chine, par exemple, détient aux alentours de 100 milliards de dollars en actions américaines. En cas de retournement de tendance, sera-t-elle prêt à faire le dos rond longtemps ? Ou se comportera-t-elle en investisseur réactif au risque de précipiter la baisse ?

Si l’avenir ne reste que doutes et suppositions, le présent nous montre à l’inverse que tout le monde a intérêt aujourd’hui à ce que les marchés se reprennent car… tout le monde a intérêt à vendre plus haut pour gommer les vilaines pertes de l’année dernière. Bref, chaque investisseur semble positionné en embuscade prêt à devenir un vendeur sanguinaire le moment venu.

Première conséquence : Les marchés actions ne seraient donc pas si sous-évalués. Ils le paraissent aujourd’hui car la plupart des valeurs sont encore horriblement basses pour ceux qui les détiennent. Ces derniers en ont aujourd’hui marre de faire le dos rond. Certains retrouvent donc l’énergie de se redresser, de prendre leur revanche, ce qui leur fait voir le potentiel de leurs actions plus gros qu’il ne l’est.

Deuxième conséquence : La reprise des marchés et l’optimiste volontariste sont donc des mythes ! Il est illusoire de penser que des tendances structurellement lourdes peuvent faire un virage à 180 degrés d’un mois à l’autre. Les marchés entretiennent seulement l’idée de reprise (avec l’aide des médias) parce que la hausse profite pour l’instant au plus grand nombre (et surtout aux initiés), ou plutôt parce que la baisse ne rapporte plus.

Troisième et terrible conséquence : Si la hausse actuelle n’est qu’un phénomène artificiellement entretenu pour donner l’occasion future à certains malins de sortir de la mauvaise passe de l’année dernière, les marchés risquent de s’effondrer dramatiquement quand les vendeurs sortiront et dévoileront leurs réelles intentions. Ceux qui auront naïvement cru au miracle actuel de la reprise marchés se feront alors dévorer sauvagement ! Se faire avoir une fois est humain, la deuxième fois permet juste de distinguer le sage de l’imbécile qui n’a rien appris de ses erreurs passées.

E.B. // Moneyzine

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