Pour ceux qui ne seraient pas spécialistes en teenage movies américains, « Souviens-toi… l’été dernier » est un film censé faire peur (dans la lignée des Screams) où des adolescents renversent un homme en voiture lors d’un retour de soirée. Ils se débarrassent du corps dans la mer et établissent une sorte de pacte où chacun jure de ne rien révéler. Seulement, l’été suivant (un an après), ces jeunes étudiants commencent à recevoir des lettres de menace puis commencent à se faire tuer par l’homme qu’ils avaient renversé, ressuscité en marin avec un crochet en guise de main…
Si je vous parle de ce film, ce n’est pas pour vous conseiller d’aller le voir, mais car je m’apprête à vous parler de cet été (je reviendrai plus précisément sur le sujet du film plus tard). La société Goldwasser Exchange possède un forum financier très intéressant sur Facebook et organise régulièrement des concours qui consistent à faire des prévisions sur les marchés. Le thème de juillet/août est « Comment prévoyez-vous l’évolution des bourses pendant l’été ? ».
Avant les vacances, il est en effet propice de faire un point sur cette question, afin de pouvoir partir l’esprit rassuré ou déprimé, mais du moins renseigné, sur ce qui est susceptible de se passer durant l’été. L’objectif de cette prévision n’est pas forcément de pouvoir réagir instantanément à ce qui devrait se passer (pas évident depuis le bord de la piscine), car normalement tout investisseur encore sain d’esprit profite d’une partie de la période estivale pour décrocher un minimum. Non, réfléchir sur ce qui peut théoriquement se passer cet été permet plutôt de gérer cette transition vers l’inaction plus facilement (le contrôle n’est plus physique mais mental : on regarde l’évolution de loin en déclamant « je vous l’avais bien dit » et nous voilà rassurés).
Seulement quand on n’a plus de prise sur le marché, on a forcément tendance à imaginer le pire pour ne pas s’avérer déçu (et pour ne pas s’imaginer qu’on va passer à côté de bonnes affaires en cas d’évolution positive). L’incapacité à agir induit une certaine vision pessimiste du marché. Il n’y a qu’à lire les éditoriaux qui paraissent en ce moment sur le sujet, d’autant plus que le mot « été » se prête à beaucoup d’expressions toutes trouvées : « L’été de tous les dangers », « L’été en pente douce », « L’été meurtrier » ou « Cruel Summer », bref tout nous pousse vers la déprime.
J’en reviens à mon film d’adolescents : l’été dernier, la finance mondiale a elle aussi connu en quelque sorte un accident malencontreux. Je me souviens des titres des journaux (généralistes et non financiers : je vous l’ai dit, on essaye de décrocher en vacances) qui annonçaient une vaste crise financière sur fond d’immobilier aux Etats-Unis. Nous apprenions alors de nouveaux mots : « subprimes », « prêts hypothécaires », « CDO », « titrisation » qui, on s’en doutait alors peu, allaient intégrer notre vocabulaire courant.
En cette saison, difficile néanmoins de s’appesantir sur le sort de propriétaires américains. Certes, beaucoup perdaient leur maison mais c’était les Etats-Unis, on n’allait pas pleurer sur des Américains parce qu’ils avaient fait l’erreur d’acheter une maison alors qu’ils n’en avaient pas moyens. On n’allait pas non plus être attristé par les pertes des banques, tout cela parce qu’elles avaient fait un mauvais calcul de risque. Bref, tout cela nous semblait un peu virtuel, comme évaporé par la chaleur estivale.
Or l’accident avait bien lieu, et en sous-main les jeunes loups de la finance (et même les vieux d’ailleurs) étaient déjà à l’œuvre pour en minimiser les conséquences. Il n’y a pas eu de pacte unique comme dans le film, mais chacun s’est efforcé de cacher une partie de la vérité. Les banques se sont mises à se faire très discrètes sur les « junk bonds » qu’elles détenaient, la FED (Banque centrale des Etats-Unis) s’est voulu très réactive en abaissant rapidement les taux d’intérêts et garantissant le rachat de certains actifs, les agences de notation se sont voulu rassurantes : non, il n’y avait pas eu sous-évaluation du risque…
Contrairement au film où les jeunes étudiants arrivent à passer leur accident sous silence pendant un an, la situation a été moins discrète concernant « l’accroc financier » de l’été 2007. Déjà, plus d’un million d’Américains qui se font expulser de chez eux, c’est difficile à cacher. De plus, les banques un peu partout dans le monde se sont mises à annoncer (certes au compte-goutte pour essayer de rendre ça plus supportable) des dépréciations d’actifs en cascade et des résultats d’exploitation en berne. Certains fonds se sont même mis à faire faillite (Carlyle), voire même des banques elles-mêmes (Bear Stearns finalement sauvée par JPMorgan Chase). Bref, tout ça n’est pas des moins visibles.
Néanmoins, les acteurs financiers ont vite tenté de circonscrire les dommages assez tôt. En effet, malgré la déprime des marchés boursiers depuis le début de l’année (et surtout des valeurs financières dont certaines ont perdu plus de 50 % de leur valeur), les nouvelles se sont vite voulues rassurantes. Des analystes annonçaient dès le mois d’avril la fin de la crise financière : « rentrez chez vous, tout est rentré dans l’ordre ». Certes, les plus gros problèmes sont peut-être derrière-nous (expression très à la mode dans la presse financière et chez les décideurs politiques), pourtant le prix de l’immobilier continue de chuter, on estime que 2 millions d’Américains vont perdre leur maison en 2008, le dollar s’effondre et l’inflation commence à devenir problématique (ce qui menace la consommation).
Puis apparaissent de nouveaux mots avec qui on se familiarisent de plus en plus : « CDS », « Rehausseur de crédit », et on commence à se demander si le pire est vraiment derrière-nous. Comme dans le film, nos jeunes/vieux loups de la finance commencent à recevoir des menaces sous la forme de nouvelles alarmantes qui se traduisent par de brusques secousses sur les marchés boursiers (enfin surtout par une longue descente plus ou moins raide). Les menaces vont-elles s’intensifier (notamment par le biais des résultats semestriels) ? Va-t-il y avoir des morts cet été (quelques petites faillites) ? Bref, est-on condamner à payer pour les folies financières qui sont apparues l’été dernier et que certains ont mis tant de mal à cacher ou à minimiser durant toute l’année. Je ne prédis rien mais je préfère me dire que cela sera le cas. Ainsi, même loin des marchés, je pourrai enfin passer des vacances tranquilles.
E.B. // Moneyzine
Si je vous parle de ce film, ce n’est pas pour vous conseiller d’aller le voir, mais car je m’apprête à vous parler de cet été (je reviendrai plus précisément sur le sujet du film plus tard). La société Goldwasser Exchange possède un forum financier très intéressant sur Facebook et organise régulièrement des concours qui consistent à faire des prévisions sur les marchés. Le thème de juillet/août est « Comment prévoyez-vous l’évolution des bourses pendant l’été ? ».
Avant les vacances, il est en effet propice de faire un point sur cette question, afin de pouvoir partir l’esprit rassuré ou déprimé, mais du moins renseigné, sur ce qui est susceptible de se passer durant l’été. L’objectif de cette prévision n’est pas forcément de pouvoir réagir instantanément à ce qui devrait se passer (pas évident depuis le bord de la piscine), car normalement tout investisseur encore sain d’esprit profite d’une partie de la période estivale pour décrocher un minimum. Non, réfléchir sur ce qui peut théoriquement se passer cet été permet plutôt de gérer cette transition vers l’inaction plus facilement (le contrôle n’est plus physique mais mental : on regarde l’évolution de loin en déclamant « je vous l’avais bien dit » et nous voilà rassurés).
Seulement quand on n’a plus de prise sur le marché, on a forcément tendance à imaginer le pire pour ne pas s’avérer déçu (et pour ne pas s’imaginer qu’on va passer à côté de bonnes affaires en cas d’évolution positive). L’incapacité à agir induit une certaine vision pessimiste du marché. Il n’y a qu’à lire les éditoriaux qui paraissent en ce moment sur le sujet, d’autant plus que le mot « été » se prête à beaucoup d’expressions toutes trouvées : « L’été de tous les dangers », « L’été en pente douce », « L’été meurtrier » ou « Cruel Summer », bref tout nous pousse vers la déprime.
J’en reviens à mon film d’adolescents : l’été dernier, la finance mondiale a elle aussi connu en quelque sorte un accident malencontreux. Je me souviens des titres des journaux (généralistes et non financiers : je vous l’ai dit, on essaye de décrocher en vacances) qui annonçaient une vaste crise financière sur fond d’immobilier aux Etats-Unis. Nous apprenions alors de nouveaux mots : « subprimes », « prêts hypothécaires », « CDO », « titrisation » qui, on s’en doutait alors peu, allaient intégrer notre vocabulaire courant.
En cette saison, difficile néanmoins de s’appesantir sur le sort de propriétaires américains. Certes, beaucoup perdaient leur maison mais c’était les Etats-Unis, on n’allait pas pleurer sur des Américains parce qu’ils avaient fait l’erreur d’acheter une maison alors qu’ils n’en avaient pas moyens. On n’allait pas non plus être attristé par les pertes des banques, tout cela parce qu’elles avaient fait un mauvais calcul de risque. Bref, tout cela nous semblait un peu virtuel, comme évaporé par la chaleur estivale.
Or l’accident avait bien lieu, et en sous-main les jeunes loups de la finance (et même les vieux d’ailleurs) étaient déjà à l’œuvre pour en minimiser les conséquences. Il n’y a pas eu de pacte unique comme dans le film, mais chacun s’est efforcé de cacher une partie de la vérité. Les banques se sont mises à se faire très discrètes sur les « junk bonds » qu’elles détenaient, la FED (Banque centrale des Etats-Unis) s’est voulu très réactive en abaissant rapidement les taux d’intérêts et garantissant le rachat de certains actifs, les agences de notation se sont voulu rassurantes : non, il n’y avait pas eu sous-évaluation du risque…
Contrairement au film où les jeunes étudiants arrivent à passer leur accident sous silence pendant un an, la situation a été moins discrète concernant « l’accroc financier » de l’été 2007. Déjà, plus d’un million d’Américains qui se font expulser de chez eux, c’est difficile à cacher. De plus, les banques un peu partout dans le monde se sont mises à annoncer (certes au compte-goutte pour essayer de rendre ça plus supportable) des dépréciations d’actifs en cascade et des résultats d’exploitation en berne. Certains fonds se sont même mis à faire faillite (Carlyle), voire même des banques elles-mêmes (Bear Stearns finalement sauvée par JPMorgan Chase). Bref, tout ça n’est pas des moins visibles.
Néanmoins, les acteurs financiers ont vite tenté de circonscrire les dommages assez tôt. En effet, malgré la déprime des marchés boursiers depuis le début de l’année (et surtout des valeurs financières dont certaines ont perdu plus de 50 % de leur valeur), les nouvelles se sont vite voulues rassurantes. Des analystes annonçaient dès le mois d’avril la fin de la crise financière : « rentrez chez vous, tout est rentré dans l’ordre ». Certes, les plus gros problèmes sont peut-être derrière-nous (expression très à la mode dans la presse financière et chez les décideurs politiques), pourtant le prix de l’immobilier continue de chuter, on estime que 2 millions d’Américains vont perdre leur maison en 2008, le dollar s’effondre et l’inflation commence à devenir problématique (ce qui menace la consommation).
Puis apparaissent de nouveaux mots avec qui on se familiarisent de plus en plus : « CDS », « Rehausseur de crédit », et on commence à se demander si le pire est vraiment derrière-nous. Comme dans le film, nos jeunes/vieux loups de la finance commencent à recevoir des menaces sous la forme de nouvelles alarmantes qui se traduisent par de brusques secousses sur les marchés boursiers (enfin surtout par une longue descente plus ou moins raide). Les menaces vont-elles s’intensifier (notamment par le biais des résultats semestriels) ? Va-t-il y avoir des morts cet été (quelques petites faillites) ? Bref, est-on condamner à payer pour les folies financières qui sont apparues l’été dernier et que certains ont mis tant de mal à cacher ou à minimiser durant toute l’année. Je ne prédis rien mais je préfère me dire que cela sera le cas. Ainsi, même loin des marchés, je pourrai enfin passer des vacances tranquilles.
E.B. // Moneyzine
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