vendredi 29 mai 2009

Le vocabulaire financier est votre ami

Utiliser les mots de la finance peut vous aider à vous sortir de situations délicates. Voici quelques idées pour parfaire votre langage "financièrement correct" :

Ne dites plus : « Je suis très dépensier »
Dites : « Je privilégie la relance par la consommation »

Ne dites plus : « Je lis tous les jours mon horoscope »
Dites : « J’anticipe la sortie de crise pour l’année prochaine »

Ne dites plus : « Je suis surendetté »
Dites : « J’envisage une émission obligataire »

Ne dites plus : « Je n’ai pas été augmenté cette année »
Dites : « Je crois qu'il est plus sain que je renonce à mon bonus »

Ne dites plus : « Je vais divorcer »
Dites : « J’envisage de futurs arbitrages »

Ne dites plus : « Mon banquier est un escroc »
Dites : « Le secteur bancaire connaît une grave crise systémique »

Ne dites plus : « J’ai gagné au loto »
Dites : « L'évolution de mon cash-flow s’avère largement supérieur aux attentes »

Ne dites plus : « Je me suis débarrassé de toutes tes vieilles affaires pourries »
Dites : « J’ai fait appel à une structure de défaisance »

Ne dites plus : « J’ai besoin d’un emprunt »
Dites : « J’envisage d’accroître mon ratio Tiers one »

Ne dites plus : « Je trompe mon conjoint »
Dites : « J’opère de gré à gré »

Maintenant c'est à vous de jouer...

E.B. // Moneyzine

lundi 11 mai 2009

Les vendeurs sont-ils en embuscade ?

C’est le rebond, le rally, bref la hausse. Pourtant, je ne connais que de futurs vendeurs en puissance ! Ai-je vraiment de saines fréquentations ?

J’adore observer les phases d’euphorie boursière. Toute mauvaise nouvelle est aussitôt désintégrée, toute bombe immédiatement désamorcée. Les statistiques sont horribles, mais pas de problème puisqu’elles sont supérieures aux attentes. A croire que tous les analystes sont d’irrémédiables pessimistes grincheux qui se sont tous égarés sur le mauvais chemin de la récession.

Donc, tout monte. Les actions, les obligations, le pétrole, le cuivre, le soja et même l’or, comme si des flots d’argent se déversaient de nouveau sur les marchés en quête désespérée d’actifs bon marché.

Il est intéressant de noter que cette rapide inversion de tendance arrive juste au moment où plus personne n’a vraiment intérêt à ce que la baisse continue. Même les hedge funds, dont la stratégie est censée être décorrelée des marchés, jouent de moins en moins les ours (animal représentant les vendeurs qui se délectent de tout effondrement des cours). Peut-être ce nouvel intérêt pour la hausse est-il à mettre en rapport avec les montagnes d’actifs horriblement peu valorisés qu’ils leur restent encore sur les bras. S’il n’existe pas de porte de sortie, pourquoi ne pas en fabriquer une ?

C’est également ce que j’observe sur un plan plus personnel. Ainsi, je ne compte plus dans mon entourage les vendeurs potentiels attendant secrètement le bon moment, même si eux ne peuvent pas fabriquer de porte.

En effet, les particuliers que je conseille ne me cachent pas le dégoût qu’ils ont développé envers les marchés financiers suite à la dévalorisation conséquente de leur portefeuille. Beaucoup me demandent juste de les prévenir quand les cours auront suffisamment remonté pour qu’ils rentrent dans leur frais. Leur intention étant bien sûr de tout liquider et de revenir à des supports d’épargne plus sérieux, et surtout plus doux pour leurs nerfs. J’avoue moi-même les encourager inconsciemment dans cette voie, en les mettant en garde de ne pas replonger dans de vaines illusions quand les premiers profits seront de retour dans leur portefeuille.

Certes, ces petits actionnaires ne représentent rien, mais leur comportement paraît tout à fait logique dans une optique à moyen terme. Le plus intéressant est de savoir si beaucoup de « gros » partagent les mêmes arrières pensées.

Comme on l’a dit, beaucoup de fonds cherchent une bonne fenêtre de tir pour liquider certains actifs, et on peut facilement imaginer les conséquences désastreuses sur les cours quand le moment paraîtra opportun (surtout que ce désengagement ira sans aucun doute de pair avec la réactivation de stratégies baissières agressives). Quel sera alors la réaction des investisseurs plus institutionnels ? La Chine, par exemple, détient aux alentours de 100 milliards de dollars en actions américaines. En cas de retournement de tendance, sera-t-elle prêt à faire le dos rond longtemps ? Ou se comportera-t-elle en investisseur réactif au risque de précipiter la baisse ?

Si l’avenir ne reste que doutes et suppositions, le présent nous montre à l’inverse que tout le monde a intérêt aujourd’hui à ce que les marchés se reprennent car… tout le monde a intérêt à vendre plus haut pour gommer les vilaines pertes de l’année dernière. Bref, chaque investisseur semble positionné en embuscade prêt à devenir un vendeur sanguinaire le moment venu.

Première conséquence : Les marchés actions ne seraient donc pas si sous-évalués. Ils le paraissent aujourd’hui car la plupart des valeurs sont encore horriblement basses pour ceux qui les détiennent. Ces derniers en ont aujourd’hui marre de faire le dos rond. Certains retrouvent donc l’énergie de se redresser, de prendre leur revanche, ce qui leur fait voir le potentiel de leurs actions plus gros qu’il ne l’est.

Deuxième conséquence : La reprise des marchés et l’optimiste volontariste sont donc des mythes ! Il est illusoire de penser que des tendances structurellement lourdes peuvent faire un virage à 180 degrés d’un mois à l’autre. Les marchés entretiennent seulement l’idée de reprise (avec l’aide des médias) parce que la hausse profite pour l’instant au plus grand nombre (et surtout aux initiés), ou plutôt parce que la baisse ne rapporte plus.

Troisième et terrible conséquence : Si la hausse actuelle n’est qu’un phénomène artificiellement entretenu pour donner l’occasion future à certains malins de sortir de la mauvaise passe de l’année dernière, les marchés risquent de s’effondrer dramatiquement quand les vendeurs sortiront et dévoileront leurs réelles intentions. Ceux qui auront naïvement cru au miracle actuel de la reprise marchés se feront alors dévorer sauvagement ! Se faire avoir une fois est humain, la deuxième fois permet juste de distinguer le sage de l’imbécile qui n’a rien appris de ses erreurs passées.

E.B. // Moneyzine

lundi 4 mai 2009

Yuppie ! La fête est finie

Les mots changent mais les idées restent. Dans les années 1980, le mot yuppie fleurissait dans tous les médias comme l’archétype de la réussite sociale. Un yuppie (contraction de Young Urban Professional) était en quelque sorte la version anglophone du « beau, jeune, riche et en bonne santé ».

Le yuppie travaillait le plus souvent à Wall Street et était parfois aussi appelé « Golden Boy ». A l’époque, je me souviens avoir lu un article qui disait que certains d’entre eux gagnaient parfois plus de 100 000 francs français par mois (l’équivalent de 15 000 euros aujourd’hui, sans compter l’inflation). Certes, de nos jours, un tel revenu est sans doute digne d’un loser et permet à peine de s’acheter une montre correcte, mais j’avoue que cela m’avait alors impressionné.

Tout allait bien pour eux tant que les marchés boursiers montaient, et puis tout à coup la situation s’est mise à déraper. Le krach d’octobre 1987 (qui apparaît ridicule aujourd’hui) commence alors à pointer du doigt certaines dérives du système financier. L’image du « golden boy » se ternit peu à peu pour devenir celle d’un jeune con peu scrupuleux prêt à vendre père et mère pour toucher son bonus.

Hasard du calendrier ou pas, en décembre de la même année sort le film « Wall Street » d’Oliver Stone. Le personnage de Gordon Gekko tue alors définitivement l’image du sympathique yuppie. Michael Douglas incarne le cynisme à l’état pur : Gordon négocie plus d’un milliard de dollars avant même son premier petit déjeuner, et se fout comme de sa première culotte des conséquences que ces transactions peuvent avoir sur l’économie « réelle » ou sur la vie des gens.

Un pas était franchi. Le yuppie n’était plus notre ami, et il n’était même plus l’ami de l’économie. C’était devenu un requin déconnecté de la réalité, vivant dans un aquarium obscur et prêt à bouffer tout cru n’importe quelle société battant un peu de l’aile. Pour ne rien arranger, Bret Easton Ellis en rajouta une couche en imaginant Patrick Bateman. Non content d’être un voleur, le yuppie devenait serial killer !

Un rêve s’écroulait et le mot yuppie tomba peu à peu en désuétude. La bourse perdit un peu de sa superbe médiatique dans les années 1990, mais elle revint en force à l’aube des années 2000. Les marchés devenaient fous, des fortunes immenses se constituaient ou disparaissaient.

Une nouvelle appellation commença alors à devenir à la mode, nous découvrions le monde des traders. Avec l’explosion des systèmes informatiques et d’Internet, le trader passait son temps devant des écrans clignotants. Il tapotait sur des boutons, personne ne comprenait vraiment à quoi cela servait, mais tout le monde savait que cela rapportait un maximum d’argent.

Certes, il y avait quelques accidents. En 1995, cela s’était mal passé pour Nick Leeson qui en spéculant avait mis par terre une respectable banque anglaise. Mais finalement rien de très sérieux (860 millions de livres sterling perdues soit à peine de quoi attirer l’attention aujourd’hui quand l’unité courante est devenue le millier de milliards…).

Heureusement, Ewan McGregor avait sauvé la mise en rendant le personnage presque sympathique dans le film « Rogue Trader » (sorti sans le qualificatif « rogue » en France, comme si un trader était forcément une fripouille). Les traders pouvaient donc se vautrer sans complexe dans la bulle Internet naissante, sans susciter trop d’émois.

Malheureusement, quand une bulle explose, les événements prennent une dimension morale. Le commun des mortels sous-payé se dit qu’il y a une justice, et l’opinion recommença à pointer certaines dérives. Mais à vrai dire cela avait peu d’importance.

En effet, avec la flambée des hedge funds, peu importait la direction de la bourse. Un seul mot d’ordre : spéculer. Dans ce cas, la baisse n’a jamais été un problème, elle devient juste un prétexte pour mettre en place une gestion alternative.

Je ne sais pas si c’est à partir de là, mais progressivement tout s’est mis à partir dans tous les sens. N’importe quel tactique est apparue viable tant qu’elle générait du profit : trafic de comptabilité, analyses complaisantes, excès d’effet de levier, produits financiers exotiques censés dilués le risque…

Et krach… mais cette fois-ci les répercussions semblent beaucoup plus sérieuses. Des gens se retrouvent dehors et/ou au chômage, de « vraies » industries commencent à fermer leur porte, des économies « réelles » découvrent la récession.

Face à tel cataclysme, on comprend bien que l’opinion publique ait besoin d’un coupable, et quoi de mieux que cet univers de la finance : opaque, mystérieux voire mythologique. Un monde fait de dieux, de héros plus ou moins sacrifiés, un miroir des comportements les plus vils et où toute morale apparaît bien relative.

Le trader est en passe de devenir le symbole du vol, de la corruption, de la cupidité et du mensonge (liste non exhaustive). On le traque, il doit parfois se déguiser, son nom est devenu une insulte, bref c’est la honte. A l’instar d’une idole qu’on a plaisir à enflammer, le trader est condamné à endosser la responsabilité des échecs de l’humanité.

L’argent a la troublante faculté de générer l’admiration, l’envie, la jalousie et la haine. L’image du trader ne fait qu’évoluer au gré de ces sentiments humains. Quand tout ira mieux, tel le phœnix, il renaîtra encore plus flamboyant… mais peut-être encore sous un autre nom !

E.B. // Moneyzine