Je suis de retour des Etats-Unis où, comme beaucoup d’Européens, j’ai pu profiter de la faiblesse du billet vert pour remplir ma valise de choses absolument superflues. Mais, outre ces préoccupations estivales, j’ai aussi profité de mon voyage pour tenter d’observer les manifestations d’une hypothétique crise économique américaine.
J’étais en Californie : pas forcément le meilleur choix pour observer la crise, mais Cleveland ne me tentait pas trop. Enfin tout de même, cette partie ensoleillée du pays n’a pas été épargnée par la crise des subprimes. Concernant l’immobilier ancien, on y observe une baisse de 22 % du prix médian ! Je m’imagine déjà propriétaire, mais je déchante bien vite en parcourant les agences immobilières. Si on trouve quelques prix massacrés, ceux-ci concernent principalement des banlieues improbables assez éloignées des grandes villes et peu attrayantes. Les maisons sympathiques de San Francisco ou de Los Angeles restent malheureusement inabordables avec des prix médians avoisinant respectivement 800.000 et 600.000 dollars (ce qui représente encore quelques euros).
La crise n’est donc pas flagrante de ce côté, ou du moins elle est difficilement observable par le simple touriste de passage que je suis. A priori, tout semble aller normalement dans ce pays, et je culpabilise presque d’avoir écrit des articles plutôt pessimistes sur le sort de l’économie américaine.
Néanmoins, comme je suis un peu obsédé par cette question, je n’ai pu m’empêcher de creuser la question, et j’ai donc poursuivi ma quête en essayant de trouver des indices allant au-delà des apparences.
Un matin, je tombe sur un éditorial du San Francisco Chronicle qui observe qu’il n’y a jamais eu autant d’étrangers en ville. L’auteur insiste d’abord sur les répercussions économiques positives pour la ville, mais son propos devient vite plus désabusé. On observe alors comme une certaine résignation à voir ses européens se balader avec des dizaines de sacs sur Union Square, trainer dans les restaurants chics et acheter des bouteilles de vins à 150 dollars (je ne fais que citer). Forcément, vous êtes la nation censée être la plus riche du monde, et vous voyez débarquer des kyrielles d’étrangers qui ont l’air d’acheter sans compter. Mais alors qui sont les riches ? L’article se termine par l’interview d’une Française qui ramène diverses choses dont un billet d’un dollar à l’effigie de Britney Spears… et l’éditorialiste de conclure : « To them, it probably looked like a real U.S. dollar » (Pour eux, ça ressemble vraisemblablement à un vrai dollar américain). Premier indicateur de crise : les Américains commencent à s’apercevoir que leur monnaie vaut réellement moins que ce qu’ils pensaient. Du coup, sont-ils encore les plus riches ?
Au cours de mon séjour, j’ai forcément été amené à regarder la télévision. Difficile de passer à côté : il y en avait trois dans la maison que je louais dont une dans les toilettes ! (qui a parlé de consommation excessive ?) Bref, c’était la période des Jeux Olympiques de Pékin et je pensais voir un peu tous les sports. Et bien non, il y avait un enjeu bien plus important à retransmettre : la compétition contre les Chinois pour rester n°1 en terme de médailles. Forcément, dès qu’un Américain avait une chance d’en obtenir une, il avait le droit à un reportage sur sa carrière, son entrainement, sa famille… et celui qui battait tous les records était forcément : Michael Phelps. Je crois que je connais à peu près tout de ce garçon aujourd’hui, y compris ce que sa mère lui préparait à manger quand il était petit. Phelps a incarné cet été le symbole qui fait que les Etats-Unis sont encore Number One et qu’ils peuvent toujours regarder les Chinois avec condescendance. Mais cette fierté se fissure de tous les côtés : la bataille pour le décompte des médailles en a été la preuve. Est-ce le nombre de médailles d’or ou simplement le nombre de médailles qui détermine le vainqueur ? Quand on en arrive là, c’est déjà un aveu d’échec. Deuxième indicateur de crise : les Américains commencent à s’apercevoir qu’ils ne sont plus les meilleurs, même s’ils sont persuadés qu’ils sont toujours Number One.
Enfin, la chose qui m’a frappé le plus lors de mon séjour est l’abondance des emplois aux Etats-Unis. En effet, il existe une multitude de personnes employées à des tâches qui seraient jugées comme inutiles, voire non productives en Europe. En observant la personne qui range vos courses dans un sac au supermarché ou celle qui fait bouger une pancarte au coin de la rue pour vous signaler une vente de voiture d’occasion, vous vous dites que les charges pesant sur le travail doivent vraiment être faibles pour qu’il y ait une quelconque rentabilité à employer quelqu’un. D’un côté, cette particularité américaine est plutôt positive : le marché du travail est flexible, le taux de chômage est anecdotique. Mais d’un autre côté, les emplois à bas salaire se multiplient et surtout la productivité du travail n’est pas évidente. Mes vacances continuent et cette constatation me perturbe. Je compte les employés dans les restaurants et me rend compte qu’ils sont parfois plus nombreux que les clients, j’observe les nombreux gardiens de parkings et de sécurité qui auraient vite été remplacé par des machines en Europe, étant donné le coût des charges sociales. Finalement, ces gens là concourent à l’accroissement du PIB américain, ils consomment grâce à leur salaire, mais concrètement ils ne produisent quasiment rien, si ce n’est quelques services périphériques qui seraient aisément pris en charge par d’autres moyens en Europe. Troisième indicateur de crise : les Américains sont les premiers producteurs au monde, mais quelle est la réalité de cette production ? En effet, si la réalité de la consommation est omniprésente, la réalité productive et la justification des revenus semblent plus floues.
Au final, je ne pense pas avoir observé de crise. J’ai plutôt entrevu un rêve américain qui se perpétue, même s’il faut tronquer la réalité pour cela. Les Etats-Unis sont toujours n°1 et même si ce mythe se fissure, les Américains y croient toujours : c’est là toute leur force.
E.B. // Moneyzine
J’étais en Californie : pas forcément le meilleur choix pour observer la crise, mais Cleveland ne me tentait pas trop. Enfin tout de même, cette partie ensoleillée du pays n’a pas été épargnée par la crise des subprimes. Concernant l’immobilier ancien, on y observe une baisse de 22 % du prix médian ! Je m’imagine déjà propriétaire, mais je déchante bien vite en parcourant les agences immobilières. Si on trouve quelques prix massacrés, ceux-ci concernent principalement des banlieues improbables assez éloignées des grandes villes et peu attrayantes. Les maisons sympathiques de San Francisco ou de Los Angeles restent malheureusement inabordables avec des prix médians avoisinant respectivement 800.000 et 600.000 dollars (ce qui représente encore quelques euros).
La crise n’est donc pas flagrante de ce côté, ou du moins elle est difficilement observable par le simple touriste de passage que je suis. A priori, tout semble aller normalement dans ce pays, et je culpabilise presque d’avoir écrit des articles plutôt pessimistes sur le sort de l’économie américaine.
Néanmoins, comme je suis un peu obsédé par cette question, je n’ai pu m’empêcher de creuser la question, et j’ai donc poursuivi ma quête en essayant de trouver des indices allant au-delà des apparences.
Un matin, je tombe sur un éditorial du San Francisco Chronicle qui observe qu’il n’y a jamais eu autant d’étrangers en ville. L’auteur insiste d’abord sur les répercussions économiques positives pour la ville, mais son propos devient vite plus désabusé. On observe alors comme une certaine résignation à voir ses européens se balader avec des dizaines de sacs sur Union Square, trainer dans les restaurants chics et acheter des bouteilles de vins à 150 dollars (je ne fais que citer). Forcément, vous êtes la nation censée être la plus riche du monde, et vous voyez débarquer des kyrielles d’étrangers qui ont l’air d’acheter sans compter. Mais alors qui sont les riches ? L’article se termine par l’interview d’une Française qui ramène diverses choses dont un billet d’un dollar à l’effigie de Britney Spears… et l’éditorialiste de conclure : « To them, it probably looked like a real U.S. dollar » (Pour eux, ça ressemble vraisemblablement à un vrai dollar américain). Premier indicateur de crise : les Américains commencent à s’apercevoir que leur monnaie vaut réellement moins que ce qu’ils pensaient. Du coup, sont-ils encore les plus riches ?
Au cours de mon séjour, j’ai forcément été amené à regarder la télévision. Difficile de passer à côté : il y en avait trois dans la maison que je louais dont une dans les toilettes ! (qui a parlé de consommation excessive ?) Bref, c’était la période des Jeux Olympiques de Pékin et je pensais voir un peu tous les sports. Et bien non, il y avait un enjeu bien plus important à retransmettre : la compétition contre les Chinois pour rester n°1 en terme de médailles. Forcément, dès qu’un Américain avait une chance d’en obtenir une, il avait le droit à un reportage sur sa carrière, son entrainement, sa famille… et celui qui battait tous les records était forcément : Michael Phelps. Je crois que je connais à peu près tout de ce garçon aujourd’hui, y compris ce que sa mère lui préparait à manger quand il était petit. Phelps a incarné cet été le symbole qui fait que les Etats-Unis sont encore Number One et qu’ils peuvent toujours regarder les Chinois avec condescendance. Mais cette fierté se fissure de tous les côtés : la bataille pour le décompte des médailles en a été la preuve. Est-ce le nombre de médailles d’or ou simplement le nombre de médailles qui détermine le vainqueur ? Quand on en arrive là, c’est déjà un aveu d’échec. Deuxième indicateur de crise : les Américains commencent à s’apercevoir qu’ils ne sont plus les meilleurs, même s’ils sont persuadés qu’ils sont toujours Number One.
Enfin, la chose qui m’a frappé le plus lors de mon séjour est l’abondance des emplois aux Etats-Unis. En effet, il existe une multitude de personnes employées à des tâches qui seraient jugées comme inutiles, voire non productives en Europe. En observant la personne qui range vos courses dans un sac au supermarché ou celle qui fait bouger une pancarte au coin de la rue pour vous signaler une vente de voiture d’occasion, vous vous dites que les charges pesant sur le travail doivent vraiment être faibles pour qu’il y ait une quelconque rentabilité à employer quelqu’un. D’un côté, cette particularité américaine est plutôt positive : le marché du travail est flexible, le taux de chômage est anecdotique. Mais d’un autre côté, les emplois à bas salaire se multiplient et surtout la productivité du travail n’est pas évidente. Mes vacances continuent et cette constatation me perturbe. Je compte les employés dans les restaurants et me rend compte qu’ils sont parfois plus nombreux que les clients, j’observe les nombreux gardiens de parkings et de sécurité qui auraient vite été remplacé par des machines en Europe, étant donné le coût des charges sociales. Finalement, ces gens là concourent à l’accroissement du PIB américain, ils consomment grâce à leur salaire, mais concrètement ils ne produisent quasiment rien, si ce n’est quelques services périphériques qui seraient aisément pris en charge par d’autres moyens en Europe. Troisième indicateur de crise : les Américains sont les premiers producteurs au monde, mais quelle est la réalité de cette production ? En effet, si la réalité de la consommation est omniprésente, la réalité productive et la justification des revenus semblent plus floues.
Au final, je ne pense pas avoir observé de crise. J’ai plutôt entrevu un rêve américain qui se perpétue, même s’il faut tronquer la réalité pour cela. Les Etats-Unis sont toujours n°1 et même si ce mythe se fissure, les Américains y croient toujours : c’est là toute leur force.
E.B. // Moneyzine
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