jeudi 5 juin 2008

Jouons avec les courbes

En tant que fervent lecteur de presse économique et financière, je m'amuse beaucoup à comparer les différentes analyses parsemant les multiples publications du genre.

Pour résumer, deux grandes thèses s'affrontent aujourd'hui :

- Pour les uns, tout est rentré dans l'ordre, la crise est finie. Elle a atteint son paroxysme avec le sauvetage de Bear Stearns. Maintenant les nouvelles sont plutôt rassurantes et même s'il elles ne le sont pas, elles sont "intégrées dans le cours" comme aiment dire les optimistes (les bullish : ceux qui jouent la hausse). La baisse de la consommation, l'inflation galopante, le ralentissement de la croissance, la pression sur les matières premières, l'explosion de la dette américaine, l'effondrement du dollar... dans le cours, on vous dit !

- Pour les autres, vous n'avez encore rien vu, et vous pouvez accrocher vos ceintures. Le regain d'optimisme actuel n'est qu'une illusion, un simple rebond dans un mouvement de décrochage à moyen terme. Pour ces pessimistes (les bearish : ceux qui jouent à la baisse), toutes les conditions sont réunies pour envisager un net ralentissement de l'économie mondiale. Ce n'est qu'un juste retour des choses, il va falloir maintenant payer le prix des années fastes de la mondialisation, de l'endettement opportuniste des Etats-Unis (voir page 32 de ce rapport officiel de 2005 du US Government Accountability Office et qui parle déjà de 46 trillions de $ de dettes, soit 156 000 $ par Américain !) et du manque d'anticipation vis-à-vis du problème énergétique.

Même en confrontant les analyses, ces deux thèses paraissent effectivement se valoir. Les arguments sont solides, les chiffres avancés impressionnants et les graphiques publiés très parlants.

Néanmoins, étant géographe de formation, on m'a toujours répéter sans cesse qu'il fallait toujours critiquer les documents qu'on nous mettait sous les yeux. Les cartes d'abord dont on pouvait faire dire tout et son contraire, et les chiffres qui, judicieusement présentés, pouvaient être prétexte aux interprétations les plus farfelues.

Prenons l'exemple des graphiques montrant l'évolution de l'indice CAC 40 qui vient souvent illustrer les propos de nos analystes.

Exemple n°1 (soyons positifs)
On voit bien que le 1er trimestre 2008 a été dur, mais que l'indice se redresse nettement depuis début avril, en rebondissant régulièrement sur sa moyenne mobile 50 (courbe en bleu) qui sert de support et qui a tendance à remonter, ce qui laisserait préfigurer une remise en route progressive de la dynamique haussière.


Exemple n°2 (soyons dubitatifs)
On remarque nettement que la belle mécanique haussière a été cassée au début de l'année 2008, mais que l'indice tend à résister dans une phase de consolidation incertaine qui laisse envisager aussi bien une reprise du mouvement haussier (simple pause) qu'un renversement de tendance lourd (amorce d'une chute plus sévère).


Exemple n°3 (soyons déprimants)
Dans un beau jeu de montagnes russes, le décrochage du début de l'année semble n'être que les prémices d'une grande dégringolade boursière qui nous amènerait l'indice vers les 3000-3500 points, c'est-à-dire pour parler franchement vers un krach. Attendez vous alors à perdre de l'ordre de 40% sur le cours actuel de vos actions.


Bref, les graphiques boursiers nous permettent de nous rassurer et d'aller dans notre sens. Ils nous rassurent et donnent une garantie, une viabilité à nos scénarios de hausse ou de baisse.

Maintenant voici une question subsidiaire : à votre avis, quelles aurait été votre analyse en avril 1930 (en rouge sur le graphique) quand l'indice Dow Jones regagnait quasiment 50% des pertes subies à la fin de l'année 1929 ? Vous connaissez mon avis...


E.B. // Moneyzine

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